Pérégrinations autour du Roc de Servières (Larzac)
Quand on descend vers le Sud, à partir de Millau, en empruntant l’A75, on traverse le causse du Larzac vaste steppe herbeuse qui fit la une des media dans les années 70 du siècle dernier du fait de l’opposition d’agriculteurs et d’éleveurs de la région à l’extension du camp militaire de la Cavalerie occupé par la légion étrangère. Les pouvoirs de l’époque s’imaginaient que l’opération passerait inaperçue et se ferait sans dommage, les faits leur ont donné tort et le président Mitterrand, fraîchement élu, a honoré sa promesse de campagne qui était d’abandonner ce stupide projet. Grâce à l’action de ces courageux militants, on peut aujourd’hui «pedibus jambis» découvrir les beautés du causse. Il est vrai que les touristes pressés d’aller rôtir sur les plages languedociennes ne voient, de l’autoroute, qu’une région quasi désertique sans grand intérêt. A vrai dire, c’est aussi bien car mis à part quelques villages - les cités dites « templières » - ayant acquis une certaine notoriété, le calme et le charme des vastes espaces qui les entourent sont ainsi préservés. Aujourd’hui, je vous emmène donc à la découverte du Roc de Servières, sommet situé à l’Ouest du Caylar dominant une zone sauvage où l’érosion a dégagé une multitude de chaos rocheux qui se prêtent à toutes les fantasmagories selon le degré de paréidolie dont on est atteint! Chez moi elle est aigüe !
Je préviens celles et ceux qui seraient tentés de nous imiter qu’il n’y a pas à proprement parler de circuit et que nous allons suivre de temps en temps de vagues pistes ou sentiers mais aussi et surtout naviguer à la boussole en se fiant à la carte IGN du lieu (2642 OT) à travers le plateau herbeux. Nous commençons par suivre une piste qui mène au Roc et longe quelques premiers chaos qui ressemblent aux vestiges d’une cité fortifiée abandonnée.
Nous approchons du pied du Roc et déterminons du regard l’itinéraire qui nous semble le plus pertinent pour accéder au sommet.
Grimper en plein pente nécessite une bonne énergie et pour le moment nos vieilles jambes répondent avec facilité à notre sollicitation.
Nous slalomons entre les rocs, vieux os du squelette de la Terre dégagés par l’érosion
Nous approchons du sommet que les locaux appellent aussi Roc du Lion sans doute parce qu’il rappelle vaguement la tête de ce félin.
Redescendant par le flanc Ouest de la montagne, nous croisons une vieille paysanne, portant chignon, le nez au vent, et qui s’étonne de notre présence en ces lieux où elle n’a pas vu âme qui vive depuis une éternité nous dit-elle ! Elle nous croit perdus mais nous lui répondons que nous sommes ici de notre plein gré pour en découvrir les beautés ! «Vous avez raison» c’est le plus bel endroit de la Terre! Nous répond-t-elle! Bon, son jugement est un brin chauvin mais ce lieu magnifique mérite assurément une visite!
Et il est vrai qu’en ces temps où chacun va devoir minimiser son bilan carbone, le Larzac est un endroit touristique facilement accessible où le dépaysement est assuré.
Ayant filé Sud Sud/Ouest à travers la steppe herbeuse, nous pénétrons dans une zone où nous slalomons entre les promontoires rocheux.
L’heure de la pause pique-nique ayant sonné, nous grimpons sur une plateforme rocheuse où un rocher en surplomb nous offre une ombre protectrice indispensable pour protéger la fraîcheur de notre bouteille de rosé et accessoirement celle de nos carafons ! Les rochers qui émergent en contrebas de la dense végétation ressemblent à d’anciens temples mayas ! Mais soudain, nous apercevons un visage connu sur la gauche…..
King Kong est là qui sourit d’aise, heureux d’avoir trouvé un lieu où on le laisse enfin tranquille. Pas d’inquiétude à avoir mon vieux les magnats d’Hollywood ne lisent pas ce blog!
Nous parcourons du regard la zone afin de déterminer le cheminement de la suite de notre périple.
Nous poursuivons plein Est en suivant une vague piste herbeuse….
…qui nous conduit au pied d’une énorme bestiole qui nous regarde d’un oeil torve mais dont la denture ébréchée nous rassure. De fait, elle s’avère inoffensive sans doute incapable de bouger vu son âge canonique !
Soudain un gigantesque canidé se dresse devant nous et nous demande si nous avons vu des moutons. «Je me suis endormi» nous dit-il «et ils en ont profité pour s’égayer dans la nature» ! Nous lui répondons que non. «Je vais encore me faire tirer les oreilles par le berger» nous rétorque-t-il ! «Je suis trop vieux pour ce métier».
Un peu plus loin nous croisons le berger et nous lui demandons d’être indulgent avec son chien qui a laissé partir les moutons. «Ne vous en faites pas» nous dit-il «c’est moi qui ai ramené les moutons à la bergerie, il est vieux le pauvre et à vrai dire je ne compte plus sur lui mais je le garde avec moi par affection ». Nous le saluons, rassurés quant au sort de ce brave chien.
Nous reprenons le cap vers l’Ouest au dessus - en latitude - de notre cheminement précédent en faisant du gymkhana entre les blocs rocheux.
Il est certain que pour entreprendre ce genre de périple, il ne faut pas craindre de rayer un peu sa carrosserie. Il est bon d’avoir sur soi un flacon d’huile essentielle de lavande pour désinfecter et cicatriser les rayures !
La variété des chaos rocheux créée par l’érosion est infinie et à chaque contour nous sommes émerveillés. Le charme de ce lieu est d’autant plus grand qu’il est sauvage et que nul guide n’en parle. Je suis conscient des méfaits que crée une photo d’un lieu touristique sur Instagram qui se trouve ainsi vite submergé ! Mais ce blog n’ayant qu’une poignée de fidèles lectrices et lecteurs l’intimité du lieu sera préservé et je suis heureux qu’il en soit ainsi.
Nous passons devant une arche que la pluie et le vent ont mis des millions d’années à creuser. Nos vies ne sont qu’un battement d’aile dans l’échelle du temps !
Malgré les merveilles qui nous entourent mieux vaut jeter régulièrement un oeil vers nos chaussures si l’on ne veut pas finir les bras en croix dans la poussière comme ce regretté Johnny.
Nous avançons au hasard en nous faufilant entre les blocs rocheux impatients de découvrir quelles autres merveilles on va découvrir derrière.
Et elle se succèdent pour le plus grand bonheur de notre âme d’enfant où nait le sentiment d’être des explorateurs découvrant un continent inconnu.
Après avoir accompli une grande boucle zigzagante au Sud du roc de Servières nous revenons vers son extrémité Est que nous n’avons pas encore explorée et où nous apercevons d’intéressants reliefs.
L’accès vers les hauteurs n’est pas des plus aisés mais à coeur vaillant rien d’impossible.
Nous croisons une première femme un sac sur le dos assise sur une plaque rocheuse. Elle nous révèle qu’elle est la mère du berger rencontré plus tôt et qu’elle vient chaque après midi se promener en ces lieux, jamais lassée de leur beauté. « Vous trouverez ma bru un peu plus loin » nous dit elle «Ne faites pas de bruit, elle porte son bébé endormi dans ses bras ».
Nous progressons alors en silence et dépassons effectivement la maman qui s’est assise avec son bébé assoupi dans les bras. Nous la saluons au passage sans dire un mot et elle nous sourit en retour. Paréidolie jolie jolie !
Nous poursuivons vers le rebord de la montagne en dépassant une petite arche.
Et nous débouchons sur une plateforme où c’est l’apothéose car nous découvrons le vaste plateau que nous avons arpenté depuis le matin en tous sens, vaste étendue où la nature expose sa munificence. Mais chut ! gardez le secret pour vous !
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Je vous invite à aller également sur mon blog musical
Canta-la-Vida
pour écouter ma chanson Ainsi va le monde !
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TEXTE & PHOTOS ULYSSE
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