Quand le Caroux est une île.....
Alors que le Covid 19 (une chinoiserie toxique de plus !) sévit dans notre pays et que nous sommes confinés, je vous emmène prendre un grand bol d'air dans un lieu préservé: le Caroux, royaume des mouflons où je suis allé un matin de l'automne passé.
Parti aux aurores, sous un ciel maussade, j'emprunte l’un de ces antiques sentiers tracés par les anciens, pour lesquels j’ai à chaque fois une pensée reconnaissante.
Je passe devant une ancienne ferme à laquelle le brouillard confère un caractère fantasmagorique. Désertée par les hommes, elle est probablement devenue le refuge des lutins, trolls, elfes, farfadets, sylphes et fées, tous ces membres du « petit peuple » qui hante les châtaigneraies, autrefois exploitées par l’homme. Vous pensez que je galèje, que j’affabule, mais comment expliquez vous qu’il n’y ait plus de châtaignes à terre, sinon qu’elles ont servi de festin à tout ce petit monde.
Arrivé à 800 mètres d’altitude, je jouis d'un spectacle inattendu : je sors du brouillard d’où émergent les aiguilles et éperons rocheux dont est hérissé le plateau sommital.
Je rends alors visite, comme à chaque fois que je passe dans ce secteur, à ce frêle arbuste, né d’une graine apportée par le vent ou un oiseau et qui pousse au dessus de l’abime. Sa vaillance et sa résistance au vent, à la canicule, au gel, à la neige me rend admiratif. Il ne doit pas regretter d’être né en un lieu aussi périlleux car il jouit, pour l’heure, d’un somptueux spectacle sur la mer de nuages qui entourent le Caroux, qui ressemble alors à une île.
L'un de ses confrères, tout aussi "acrobate", tend ses branches torturées au dessus des rochers pour mieux admirer ce sublime spectacle.
Cette mer de nuages forme des baies où je m’attends à voir, d’un moment à l’autre, voguer un voilier.
J’ai l’impression d’être dans un avion volant au dessus des nuages et cette sensation me fait penser à la magnifique chanson de Charlélie Couture « Comme un avion sans aile ».
Poursuivant ma progression vers le plateau sommital, j'ai le bonheur d'apercevoir un groupe de mouflons qui gambadent sur les rochers situés en amont. Contrairement à leur habitude, ils ne semblent pas effrayés par ma présence. Ils ont du remarquer que je n'étais ni rougeaud ni ventripotent signes distinctifs des "Nemrods".
Ils me font une démonstration de leur agilité, ce qui me rend un brin jaloux, mais je me console en me disant que je suis un privilégié de pouvoir les voir ainsi batifoler.
Mais peu à peu la mer de nuages monte à l'assaut du sommet et je m’installe pour pique-niquer avant d'être "englouti". Je déguste mon frugal repas en contemplant le ballet des nuages qui tourbillonnent à mes pieds, aspirés par les courants créés par le réchauffement de la roche sous le soleil matinal.
A part quelques grands corbeaux qui passent au dessus de ma tête en poussant leurs chants gutturaux, je suis seul, Robinson Crusoé dans son "île" montagnarde. Après une courte sieste, je me décide à contrecoeur à redescendre vers la grisaille qui règne en contrebas.
Le brouillard devient plus épais mais heureusement les cairns me permettent de repérer le chemin. Leur présence réconforte le pèlerin solitaire; ils nous tendent en quelque sorte les mains secourables de ceux qui les ont édifiés .
Après avoir dévalé quelques pierriers et traversé sans encombre le torrent de l’Albine, ce qui peut être problématique quand il y a de gros orages, je rejoins la partie plus confortable du parcours.
La mousse qui recouvre pierres et arbres nous révèle que le soleil s’aventure rarement en ces lieux, du fait de la densité des frondaisons.
Il fut un temps où les hommes vivaient ici, travaillant une terre ingrate, exploitant les châtaigniers et élevant quelques moutons. Leur vie était rude mais pas dépourvue de moments de bonheurs, car ils étaient libres et leurs satisfactions étaient, la plupart du temps, à la hauteur de leurs attentes. Nous, hommes «modernes» sommes souvent insatisfaits, déprimés voire malheureux, car le monde dans lequel nous vivons s’ingénie à faire naître sans cesse de nouveaux désirs dans nos esprits condamnés ainsi à la frustration. Peut être que ce Covid 19 aura le mérite de nous ramener aux choses essentielles : la frugalité et la fraternité.
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Texte & Photos* Ulysse