Périgrination automnale autour de Puéchabon
Sur une route qui se perd sous un ciel blafard,
Rivière de terre sinuant entre les vignes,
Je vogue, répondant à de mystérieux signes,
La vie n’est-elle vraiment qu'un hasard ?
Ici, les hommes ont façonné le paysage,
En vivantes mosaïques qui chantent les saisons,
La vendange faite, les feuilles tombent en pamoison,
Tandis que le nectar coule dans le secret des caves.
Dans les haies qui bordent les vignes, la salsepareille,
Offre ses multiples cœurs et ses graines d’apparat,
Prenez garde ! Si ses tiges épineuses vous prennent le bras,
C’en est fait de vous, vous sécherez au soleil !
La route monte sur le plateau par de grands virages,
Ménageant nos cœurs et nos respirations,
Nos esprits se livrent alors à la méditation :
D’où viennent et où vont ces merveilleux nuages ?
Du bord du plateau, on voit Saint Guilhem-le-Désert,
Parure offerte par les hommes aux rives de l’Hérault,
Sur laquelle veillait hier un formidable château,
Dont les feux sont éteints et les salles à ciel ouvert.
Son joyau absolu est l’abbaye de Gellone,
Chef d’œuvre de l’art roman languedocien,
Dont le vingtième siècle qui ne respectait rien,
A fait une carrière, tristes petits hommes !
Dans ces monts de calcaire constamment assoiffés,
L’Hérault peine à sauver sa peau, serpent liquide,
Dont pas un remous n’affecte les eaux languides,
Que sillonnent à la belle saison des canoës.
Les arbres en rangs serrés se pressent sur ses bords,
Y captant l’eau si rare nécessaire à leur sève,
Ainsi le fleuve secrètement vers le ciel s’élève,
Dans leurs ramures où il s'évapore.
Nous voici en vue du hameau de Montcalmès,
Chef-d’œuvre de la civilisation caussenarde,
Broderie de pierres que la patine du temps farde,
Edifiée par des hommes de la plus noble espèce.
Ici l’élégance se marie à l’audace,
Les colonnades sont comme un champ de fleurs,
Dont les pétales de pierre défient la pesanteur,
Et traversent sans flétrir les siècles qui passent.
Le savoir faire de leurs anonymes bâtisseurs,
Egalait celui mis en oeuvre pour les cathédrales,
Pourquoi courir s’agglutiner au Taj Mahal,
Quand on a près de chez soi de telles splendeurs !
Depuis un siècle les hommes ont déserté ces lieux,
Que colonise le règne végétal,
Qui part à l'assaut des murs bancals,
Qui se délitent peu à peu.
Au cœur de ces bâtisses chargées d’histoire,
Les fantômes errent parfois en silence,
De ceux qui y ont passé leur existence,
Tissée de souffrance de rires et d'espoir.
L’atmosphère qui y règne est si sereine,
Que les promeneurs ignorant les lézardes,
Qui ébranlent les murs, parfois se hasardent,
A y faire insouciants une sieste souveraine.
Au sortir du hameau, c’est la rencontre heureuse,
D’un ardent chêne vert et de sa bien aimée,
Engagés dans une salsa endiablée,
D’où naîtront sans doute de nombreux petits «yeuses *».
- yeuse : autre nom du chêne vert
Ce géant, non loin, sans doute l’un de leurs ancêtres,
Constitue à lui seul une forêt,
Sa taille imposante inspire le respect,
Et morts depuis longtemps sont ceux qui l’ont vu naître .
Il étend au loin sa vénérable ramure
Afin de capter au mieux les rayons du soleil.
Ce chêne vert, à vrai dire, n’a pas son pareil,
Prétendre le contraire serait lui faire injure !
Nous voilà au pied de Saint sylvestre des Brousses,
Campée sur le chemin qui menait à Gellone,
A l’époque où la foi faisait marcher les hommes,
Et la menace de l’enfer, leur fichait la frousse !
Mais l’heure avance et le soleil décline,
Les montagnes au loin ne sont plus que des ombres,
La frondaison des arbres prend des teintes plus sombres,
Dans la plaine ne brille plus que l’or des vignes.
Un antique mazet fenêtre et porte éventrées,
Nous parle d’un temps où les vendanges étaient une fête,
Aujourd’hui des machines polluantes font la cueillette,
Le dieu Bacchus, de ces lieux, s’est enfui atterré.
Les vignes ont les couleurs des nectars,
Qui coulent généreusement dans nos timbales,
Et de là réjouissent nos poreuses amygdales,
Quand le vin est tiré, c’est sûr il faut le boire !
Pour certains arbres l’automne est un chant du cygne,
Leurs frondaisons offrent en mourant un feu d’artifice,
Quand d’autres gardent leur verdeur, mais qui n’est que factice,
Car la mort saisit leurs feuilles, une à une, de façon anonyme.
Qui peut croire que l’hiver frappe à la porte,
Devant une nature aux si beaux atours ?
Cette loi imparable de l’éternel retour,
Ne rend-t-elle pas la vie chaque fois plus forte ?
Dépouillés par l’automne, une vaillante cohorte
De ceps dressent vers les nuages leurs sarments effilés,
Cherchant désespérément à les transpercer,
En vue de préparer, déjà, la prochaine récolte.
Un cep résiste vaille que vaille et garde sa livrée,
Mais l’hiver le dépouillera comme les autres,
On s’attache à la vie, on dit des patenôtres,
Mais un jour le corps défaille et on doit le quitter !
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pour y redécouvrir ma dernière chanson
Le bar de Trois-Rivières
sur mon blog Canta-la-Vida
(accès par un lien dans la barre de titre)
Noël approche et je vous signale que le dernier roman de mon copain Gibus a été réédité et est disponible dans les principales librairies
Texte & photos ULYSSE