Autour de Brive la Gaillarde - 4 - Les villages d’Argentat et de Beaulieu sur Dordogne.
N'ayant pu randonner en raison de la canicule, je vous propose de reprendre le récit de mon périple autour de Brive la gaillarde. Nous commencerons par la visite du pittoresque village d’Argentat sur Dordogne dont les maisons s’étalent sur les deux rives du fleuve.
Du début du XVIIIème siècle jusqu’à la fin du XIXème, ce village fut un haut lieu de la batellerie. On utilise alors des gabares, appelées aussi «argentats» à fond plat pour tenir compte du faible tirant d’eau en direction du Libournais et de Bordeaux. Ces argentats sont remplis de bois de construction, de merrains (planches de chêne et de châtaignier) de feuillards (des branches de châtaignier) qui sont destinés à la tonnellerie dans les régions viticoles de la basse Dordogne et de madriers et de piquets pour les ceps de vignes. Ils transportent également du fromage d’Auvergne, des peaux, du vin du Quercy, de Domme et Bergerac, des châtaignes du Limousin, du fourrage, des « soustres » (pierres destinées aux meules des moulins), du charbon des mines d’Argentat et des balles de papier des papeteries de Mouleydier, Creysse et Couze. Rien ne venait de Chine, heureuse et prospère époque !
La descente du fleuve n'était pas de tout repos! Les gabariers ou «floutayris» mènent leurs embarcations en se jouant des difficultés de la rivière. Ils négocient les «rajols» et les «malpas», ces rochers dont une partie se trouve sous l’eau ainsi que des «meilhes» (les contre-courants). Il leur faut faire preuve de dextérité pour éviter le chavirement lors du passage des «guerlous», des bras où la rivière se resserre, se jouer de l’étroitesse des «maigres» qui peuvent entraîner l’échouage sur les graviers, et des «palas» (bancs rocheux). Ils s’aident alors de «l’astes», une longue perche, afin de dégager les bateaux s’ils s’engravent ou les éloigner de la menace des rochers.
Il leur faut pour cela, et selon les endroits, "tener drech’" (tenir droit la gabare), «couajar» (godiller), «sarrar» (serrer), «cachar» (appuyer) ou bien encore «tirar» (ramer). C’est sous une toile de chanvre (lou ballin ) qui leur sert de tente qu’ils se relaient pour prendre un repos bien mérité. La cargaison est, quant à elle, protégée par une bâche ( prélart).
Les pièges sont nombreux à l’image du malpas d’Argentat et surtout du saut de la Gratusse, en aval de Lalinde et des rapides des Pesqueyroux, en aval de Saint-Capraise-de-Lalinde, où la pente atteint 3,25 mètres en 570 mètres. Il faut savoir tenir ferme le «gober» (gouvernail) et les rames ! De Castillon au Bec d’Ambès, les bateliers sont confrontés aux affres des courants et du mascaret, cette longue vague déferlante venue de l’estuaire qui peut atteindre un mètre à la marée montante lorsque se rencontrent le flux et le reflux des eaux. Quatre jours sont nécessaire pour relier Argentat à Libourne. Mais il arrive fréquemment que ce temps soit doublé en fonction des conditions climatiques.
L’existence de ces argentats se limite au temps de la descente de la rivière. La plupart sont détruits à leur arrivée et débités en planches : du bois destiné au chauffage qui est vendu à bas prix. Les bateliers remontent à pied en longeant la rivière.
Le trafic est alors très dense sur la Dordogne. On dénombre, grâce aux relevés des bureaux de navigation, 438 bateaux en 1858 et 571 en 1860. Le port de Bergerac voit passer 180 000 tonnes de marchandises en 1853 et 216000 tonnes l’année suivante.
En dépit d’aménagements destinés à faciliter la navigation sur la Dordogne, comme la construction du canal de Lalinde qui entre en service en 1846, l’apparition du chemin de fer va progressivement entraîner une nette diminution du trafic fluvial (69 bateaux en 1897). Le chemin de fer arrive à Libourne en 1852. Face à la concurrence du rail, ce déclin se confirmera inexorablement. Le train relie Bergerac à Bordeaux en 1872. Sarlat découvre le train en 1882, puis le reste de la vallée amont un peu plus tard. C’en est fini de la navigation sur la haute et moyenne Dordogne. D’autant qu’en 1878, le phylloxéra a dévasté les vignobles de Domme, Castelnaud, Daglan, et Saint-Cybranet. Certains bateliers vont ainsi se doter de gabares à moteur. D’autres poursuivent leurs activités en se spécialisant dans l’extraction de gravier dans la rivière. En basse Dordogne, la navigation continuera jusque dans les années 1940.
Les gabariers d’autrefois ne reconnaîtraient plus la Dordogne d’aujourd’hui après la construction, au XXème siècle, des barrages de Marèges (entre 1930 et 1936), de Bort-les-Orgues (1942-1952), de l’Aigle (1935-1948), de Chastang (1942-1952) et du Sablier (1951-1958). Ces ouvrages régulent la rivière et évitent qu’elle ne sorte inconsidérément de son lit… comme lors de la crue exceptionnelle de 1783 dont la force fut telle que le pont de Bergerac ne put y résister !
Désormais, quelques gabares transportent des touristes sur la rivière. Les embarcations sont fabriquées sur place, à l’initiative de certaines collectivités locales, par des charpentiers de marine ou bien à Gujan-Mestras (Gironde) par des chantiers navals qui se sont spécialisés dans ce type de construction.
Aujourd’hui Argentat est devenu le paradis des pêcheurs à la mouche qui viennent de loin pour son parcours parcours no-kill. Si vous y passez je vous invite à aller déjeuner à l’excellent Bistrot des Quais où vous dégusterez une excellente cuisine servie de charmante façon en jouissant d’une superbe vue sur la rivière.
Quittant Argentat, nous longeons vers l’aval la Dordogne pour nous rendre à Beaulieu sur Dordogne en traversant une région de verts bocages où de vrais paysans respectueux de l’environnement ont su préserver les haies et bosquets d’arbres vecteurs d’une riche biodiversité à l’encontre de l’agro-business chimique prôné par la FNSEA. Honte aux députés rétrogrades et sénateurs cacochymes qui ont voté le loi Duplomb qui favorise ces pratiques délétères! Heureusement le Conseil Constitutionnel l'a partiellement censurée mais méfions nous car les agro-chimistes vont revenir à la charge.
La première chose que l’on aperçoit en approchant du village est son imposante église St Pierre du XIIème siècle.
Son portail est l’un des premiers chefs d’oeuvre de la sculpture romane réalisé par des sculpteurs toulousains qui ont aussi oeuvré à Moissac. Il illustre les préliminaires du jugement dernier tel que le conçoivent les chrétiens: les morts assignés à comparaître sortent de leur tombeau (quid des incinérés ?)
Ceux qui sont destinés à aller en enfer sont donnés à manger à des bêtes sanguinaires. Sûr qu’avec un tel spectacle les ouailles de l’époque devaient se tenir à carreau ! Moi je doute que ces bêtes soient intéressés par ma vieille carcasse!
En attendant le jugement dernier un pauvre pêcheur soutient le tympan depuis près de mille ans . Espérons que cela lui vaudra d’aller au paradis !
Le village arbore aussi un superbe édifice profane, la maison «Renaissance» qui s'élève sur la place de la Bridolle est est classée monument historique depuis 1928 pour sa façade ornée de sculptures de style Renaissance, ses médaillons représentant des nobles de la région, Gilbert de Hautefort et sa seconde épouse Brunette de Cornil. Ses sculptures, angelots, sirène, homme sauvage, arquebusier, hallebardier... rappelleraient les fêtes données durant le voyage de Catherine de Médicis à travers la France pour présenter son fils Charles IX, au royaume de 1564 à 1566.
Au centre, un sculpteur d'une époque différente, a représenté une femme à sa toilette appelée traditionnellement «la nymphe bellocoise».
Ses ruelles ne manquent pas de charme d’autant que nous sommes à la veille de la saison touristique et pouvons y déambuler en toute tranquillité.
Un habitant très couleur locale nous invite à déguster un nectar local, ce que nous acceptons avec plaisir, vous vous en doutez.
Puis nous nous rendons au bord du fleuve où évolue une gabare touristique….
...ainsi qu’une petite couleuvre dont la présence, bien qu’elle soit inoffensive, n’incite pas à tester la température de l’eau !
Mon blog s'enrichit d'une nouvelle rubrique
POESIMAGE
Le Mistral ce vent fripon
Trousse les jupes de la Grande Bleue
Sois respectueux moussaillon
Tourne toi ou ferme les yeux
Et je vous invite aussi à écouter ma chanson
Natacha veux tu jouer à chat ?
sur mon blog Canta-la-Vida
(lien dans la barre de titre)
TEXTE* & PHOTOS ULYSSE
* sauf pour Argentat sur l'histoire de la batellerie Texte emprunté au site Gabares Norbert
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