En cheminant de la civilisation des mégalithes à celle des clapas ...
Pendant des millénaires les pierres ont constitué les fondations des civilisations humaines. Les pyramides et autres monuments égyptiens, babyloniens, grecs, romains, les mégalithes du néolithique, les cathédrales et châteaux en témoignent. La Terre généreuse a mis gracieusement à la disposition de l’humanité de quoi les construire. Nous allons partir aujourd’hui à la découverte des témoignages laissés par ces civilisations du passé au coeur de l’Hérault, dans le Saint-Chinianais, dont le sous sol pierreux et aride offre aussi aux humains des nectars parmi les plus réputés du Languedoc.
Partis de Cébazan, nous allons tout d’abord à la découverte du dolmen de Montmajou hélas amoché - comme votre serviteur - par l’effet délétère du temps. La folle énergie dépensée par les bâtisseurs de ces sépultures témoigne de leur désir ardent à croire en un au delà. Des milliers d’années après, nous ne sommes pas plus avancés qu’eux sur le sort qui nous attend à notre mort, malgré les déclarations de quelques prophètes qui ont voulu nous faire croire qu’ils avaient une ligne directe avec le ciel. Poussière d’étoiles nous étions et poussière nous redeviendrons, c’est tout ce que nous savons !
Cendres ou poussières redeviendront également ces vieux ceps arrachés qui auront donné bien du plaisir à nos gosiers mortels et nous auront, par une douce ivresse, fait oublier notre mortalité le temps de quelques douces soirées d’été.
Même la ferme fortifiée de Camp Redon, dont le pigeonnier n’est plus qu’un chicot de pierre et que ses bâtisseurs croyaient sans doute imprenable, a subi les outrages du temps. La pluie, le vent, le gel sont des armes plus efficaces que les boulets des trébuchets, catapultes ou des canons.
En arrivant sur le plateau du Bousquet, nous découvrons une immense vigne entourée d’épais murs de pierres dans lesquels, par endroits, s’insèrent des capitelles édifiées pour y ranger les outils des vignerons ou des bergers et aussi les abriter en cas d’intempéries.
Des dizaines générations ont contribué à édifier ces murs, travail de «Sisyphe» car le terrain nettoyé une première fois, des pierres «remontent» dès la saison suivante. Ce phénomène s’explique par le fait que la roche sous-jacente, couverte par la terre végétale, continue à se dégrader et à se fractionner, donnant naissance en permanence à de nouvelles pierres. Le résultat est qu’il y a dans ces murs sans doute autant de pierres qu’il y a d’étoiles dans la voie lactée !
Les capitelles*sont bâties selon la technique de la pierre sèche, c’est à dire sans liant et avec une voûte dite «en tas de charge», chaque lauze couvrant les deux tiers de la lauze sur laquelle elle s’appuie.
* Appelées aussi bories en Provence et cadoles en Bourgogne
Certaines étaient dotés d’une ouverture dans le toit pour permettre d’y faire du feu…
….ainsi que d’un banc de pierres qui permettait de s’y reposer un moment, ce qui n’était pas un luxe car à l’époque les 35 heures et les congés payés n’avaient pas encore été instaurés.
Quand les tas de cailloux sont informes, on leur donne le nom de «clapas », mot occitan qui veut dire «tas de pierres». Des milliers de ces tas de pierres émaillent ainsi les paysages du Languedoc et du Larzac, témoins d’une civilisation rurale rustique où les gens menaient une vie frugale et de labeur. Ils connaissaient le sens des mots fraternité, solidarité mais sans doute pas celui du mot bonheur !
Ici, le terrain a été aménagé en terrasses pour éviter l’érosion des sols et préserver le peu de terre arable disponible. On ne peut qu’être admiratif devant ce travail de titans d’un autre temps!
Les humains ont dressé des remparts de pierres croyant défier le temps, mais de même que les montagnes s’érodent et se délitent, ils retourneront d’ici peu au néant.
Nous redescendons vers le secteur du Vinalet qui offre un contraste saisissant entre le rouge de la terre colorée par l’oxyde de fer et le blanc des roches calcaires, témoins des soubresauts géologiques qu’a connus la région au fil du temps.
Nous découvrons un ancien four qui permettait, à une température voisine de 1000°, pendant six jours, de produire, par calcination des pierres calcaires, de la chaux. Cette poudre calcaire blanche hydratée servait en maçonnerie. Mélangée à de la pouzzolane les romains en faisaient du mortier qui a servi de liant dans la construction, entre autres, du Pont du Gard. Le lait de chaux servait également de désinfectant dans les étables et les écuries et à préparer la bouillie bordelaise pour combattre le mildiou de la vigne.
Nous passons ensuite près d’un autre symbole de cette ingénieuse civilisation rurale qui utilisait la force de l’eau et du vent pour activer des moulins dont les meuniers dormaient sans doute moins que dans la chanson !
Mais de meuniers il n’y a plus et les ailes de ce moulin sont désespérément immobiles.
Revenus fourbus à notre point de départ, nous hésitons à nous reposer sur ce banc installé devant une maison réservé aux «ayants-droit».....
....facétieuse allusion de son propriétaire à la prolifique activité de notre administration qui orne de ce panneau nombre de chemins forestiers dont personne ne sait qui sont ces fameux «ayants droit » ! A priori, en notre beau royaume, nous sommes tous égaux mais certains sont moins égaux que d’autres!
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Je vous invite à écouter ma chanson
Cour de récré
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TEXTE & PHOTOS ULYSSE