Sur les chemins de Carlencas
Après avoir arpenté quelques sommets de l’Hérault, nous décidons en ce frais et nuageux matin hivernal d’aller crapahuter au coeur des grosses collines qui s’étendent entre le lac du Salagou à l’Est et les monts d’Orb à l’Ouest. Nous parquons notre diligence à Carlencas, modeste et pittoresque village perché sur l’une d’entre elle. Nous nous engageons sur le GR de pays Haut Languedoc qui sinue entre les collines recouvertes de prairies où paissent des vaches heureuses, loin de l’enfer des élevages industriels qui sévissent ailleurs. On accuse l’élevage d’être source d’émission de CO2 et de méthane - deux gaz à effet de serre - sauf que lorsque cet élevage est pratiqué de façon extensive sur des prairies, celles ci sont des capteurs efficaces de CO2 comme le démontre cette étude!
Remontant vers le nord, le GRP surplombe la vallée du Salagou où la lumière tamisée du soleil crée une ambiance féérique qui nait du contraste entre le vert luminescent des prairies et le rouge carmin des ruffes, dépôts alluvionnaires nés il y a deux cents millions d’années. Sur le relief qui barre au fond la vallée, on aperçoit le neck basaltique d’un ancien volcan sur lequel a été bâti le château de Malavieille dont il ne reste que quelques pans de murs. Il est probable que ses constructeurs n’étaient pas avertis de l’origine volcanique de ce promontoire sinon, par précaution, ils auraient choisi un autre lieu.
Il a plu la nuit précédente et le temps reste menaçant mais il en faut plus pour nous dissuader de poursuivre notre périple car marcher ainsi dans un environnement naturel qui nous semble sans limite ravive nos ventricules et réjouit nos âmes d’enfant. Michel Jonasz, dont je suis fan, a raconté que sa mère lui a dit un jour « Je suis toujours aussi jeune mais ça se voit moins ! C’est aussi notre cas !
Aujourd’hui, modestes sont les pentes que l’on doit affronter, ce sont des faux plats suisses comme dirait l’ami Gibus et nous les avalons sans nous en rendre compte.
Les paysages ne sont pas grandioses mais les sources d’émerveillement ne manquent pas tel ce rocher recouvert de mousse et de nombrils de Vénus, étonnantes plantes saxicoles (qui poussent sur les rochers) aux nombreuses vertus. Son nom lui vient de sa forme et du fait qu’au moyen âge elle entrait dans la composition des philtres d’amour. Aujourd’hui on en fait de délicieuses salades au goût de concombre. En Bretagne, autrefois on écrasait ses feuilles fraîches pour en extraire le suc dont on frottait avec un chiffon les crêpières pour les «graisser», évitant ainsi que la nourriture s'y attache. Le nom breton de la plante, krampouezh-mouezig (crêpes musicales) fait ainsi sans doute allusion au crépitement du métal chaud lorsque la feuille est appliquée dessus (source wikipedia).Les feuilles ont aussi un usage médicinal : après en avoir retiré la cuticule inférieure, on les applique sur les plaies pour les aider à cicatriser et sur les brûlures pour en calmer la douleur.
Notre sentier est bordé de chênes blancs dont le feuillage sénescent -qui ne tombe qu’à la pousse des nouvelles feuilles - illumine le paysage.
Plus loin un spectacle émouvant nous attend d’un jeune chêne qui s’est fait liane pour enlacer une «chênesse». Est ce sa mère ou une amante? Que savons nous des amours des arbres?
Et cette charrue abandonnée au milieu d’un champ n’est pas moins émouvante. Qu’est-il arrivé à celui qui la menait? Le désespoir l’a-t-il soudain saisi? La mort, foudroyé ? Il est vrai que la vie des paysans, qui fait parfois rêver les urbains, a toujours été rude et elle ne l’est pas moins aujourd’hui même si les machines les remplacent pour les gros labeurs. Ceux qui nous nourrissent ont du mal à vivre alors que se gavent les cohortes de traders et d’intermédiaires parasites !
Nous découvrons une autre merveille sur un muret de pierre au pied duquel un arbre a poussé et dans lequel il a développé son système racinaire. Vraiment étonnants les arbres sont, isn’t it !
Et que pensez vous de cette épaisse coulée de lave recouverte de mousses fluorescentes ! Après le feu, la vie reprend peu à peu ses droits.
Nous quittons le GRP pour prendre la direction du mas Blanc et longeons le Vernoubrel dont les eaux ont entaillé une coulée de lave. Autre source d’étonnement qu’une substance aussi douce et fuyante que l’eau puisse creuser les rochers !
Ainsi par endroits le tourbillonnement de l’eau a creusé des «marmites», malheureusement trop abruptes et étroites pour s’y baigner !
Parvenus au mas Blanc nous bifurquons dans le PR qui passe au Bousquet de la Balme. Le soleil est revenu et la toison verte des pins et des chênes verts confère au paysage un air printanier.
Ayant rejoint le GRP nous prenons la direction de Carlencas. Nous passons près d’impressionnants canyons qui sont en fait d’anciennes carrières de bauxite exploitées jusqu’en 1975.
Rappelons que la bauxite sert à fabriquer l’aluminium et qu’il faut cinq tonnes de bauxite pour faire une tonne d'aluminium. Jusqu’en 1939 la France était le 1er producteur de bauxite et l’Hérault assurait 20% de la production.
Nous passons près d’un vénérable chêne qui mériterait d’été classé parmi les arbres remarquables et faire ainsi partie du patrimoine national. Son port royal dégage une phénoménale puissance. Si vous êtes comme moi un amoureux des arbres je vous invite à lire « Etre un chêne Sous l’écorce de Querçus » de Laurent Tillon qui raconte l’histoire d’un chêne pluricentenaire dont il est tombé amoureux !
Nous nous rapprochons de la «civilisation», c’est à dire des humains dont certains deviennent dangereux quand ils ont un volant entre les mains ce que nous rappelle cet étonnant panneau routier! Et oui, alors que le litre frôle les deux euros des écervelés continuent de se laisser griser par les vapeurs d'essence!
Mais nous parvenons sains et saufs à Carlencas et jouissons grâce au beau temps revenu d’une vue panoramique sur les monts environnants que domine vers l’Ouest le Caroux
Somptueuse aussi est la vue vers le sud-ouest où l’on découvre le pic de Tantajo et celui de la Coquillade surmontés de leurs antennes.
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Je vous invite à écouter ma chanson
Reprenons la barre....
Sur mon blog Canta-la-Vida
(lien dans la barre de titre)
Mon ami Gibus vient de publier son troisième roman que vous pouvez commander dans toutes les bonnes librairies
(Decitre.fr, FNAC...)
TEXTE & PHOTOS ULYSSE
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