A l'assaut des pics de la Casamanya (2740m) et de l'Estanyo (2915m)
C'était au temps où nous étions libres de vadrouiller dans les Pyrénées andoranes comme des izards ou des mouflons. A une heure matinale et ensoleillée nous nous rendons au pied de la Casamanya (2740m), que nous envisageons de gravir pour rejoindre ensuite par la ligne de crête le pic de l’Estanyo (2915m). Nous sommes avec nos épouses mais seuls les hommes ont prévu de poursuivre jusqu’à l’Estanyo, car nous ne savons pas vraiment ce qui nous attend sur cette partie de l’itinéraire qui semble, d’après les cartes, très sportive et exposée au vide. Ce que nous allons bien vite vérifier !
Pour le moment, nous grimpons avec nos chères et valeureuses compagnes la très grosse colline qu’est le pic de la Casamanya, grimpette qui représente quand même 700mètres de dénivelé! Nos cœurs battent gentiment la chamade, intensifiant notre sentiment d’existence, ce qui n’est plus le cas de ces magnifiques cèdres qui semblent avoir été foudroyés. Il faut dire que les orages en montagne peuvent être terribles et les arbres – qui ne peuvent s’enfuir - sont les plus exposés aux colères célestes.
Chacun va son train plus ou moins rapide, les plus prudents s’économisant pour la montée prévue dans l’après midi vers l’Estanyo qui s’annonce autrement plus rude. Par endroits, un petit raidillon sollicite un peu plus nos mollets et nos cœurs, mais cela reste une partie de plaisir par rapport à ce que nous allons devoir affronter l’après midi.
Après une heure quarante de marche, nos sommes en vue du sommet, le sentier étant presque aussi fréquenté qu’un chemin de croix un week-end de Pâques! Il faut dire que ce sommet d’accès facile, mais qui est décalé par rapport à l’axe de la chaine des Pyrénées, offre une vue extraordinaire sur les massifs environnants. Pour moins de deux heures de marche vous avez droit à une vue «cinq étoiles» et cela n’a pas de prix ! La richesse n’est pas dans ce que l’on possède mais dans ce que l’on vit !
Et nous voici tous réunis au sommet pour une photo de groupe qui sera peut être la dernière, vu ce qui nous attend l’après midi ! Bon, là je fais de l’humour noir pour créer un peu de suspense, mais vous découvrirez, plus avant, que nous étions un peu moins détendus quelques heures plus tard!
Le pique-nique avalé, nous les hommes, nous engageons sur la sente qui contourne par le sud les mamelons qui prolongent le pic de la Casamaya.
Cette sente, qui a un profil de montagnes russes, traverse un pierrier qui rend ardue notre progression.
Puis nous parvenons sur un vaste et étonnant replat parcouru de lignes parallèles de rochers dressés à la verticale.
C’est sans doute lors de la surrection des Pyrénées que ces couches sédimentaires gréseuses ont été soulevées. J’y vois (mais c’est sans doute l’abus de rosé au pique-nique) les dents de Gaïa qui s’en sert pour mordre dans les nuages qui parfois se vautrent sur les cimes et lui permettent ainsi de se désaltérer. Mais aujourd’hui les nuages sont rares et les crocs de la terre se dressent inutiles vers les cieux radieux.
Mais soudain les vents rabattent vers ces crocs menaçants un nuage qui échappe de peu à l’éventration.
A vrai dire ce n’est pas tant le sort des nuages qui nous préoccupe que le nôtre, car nous devons rejoindre le sommet de l’Estanyo, la pyramide que l’on aperçoit à l'horizon, et il reste un bon bout de chemin à faire. Enfin, le terme «chemin» n’est pas vraiment approprié comme nous allons très vite le découvrir.
Nous nous doutions que l’affaire ne serait pas des plus faciles et nous n’avons pas été déçus sur ce point! Nous voici en effet au sommet d’une barre rocheuse qui par chance a été équipée de chaines par des montagnards prévenants - qu’ils en soient remerciés - pour que l’on puisse la descendre sans mettre trop en péril notre existence.
Gibus en tête, nous nous engageons prudemment dans un goulet fort pentu -pas vraiment fait pour les papis de mon âge- soucieux avant tout de ne pas déraper sur une pierre, incident qui ferait le bonheur des vautours qui planent au dessus de nos têtes (Il faut bien dramatiser un peu n’est ce pas, pour avoir de l’audience !). Mais après quelques poussées d’adrénaline, nous arrivons en vue d’un second plateau qui semble devoir nous permettre de retrouver notre statut de bipède, alors que pour le moment nous sommes plutôt du genre «coccypède» !
Et c’est donc avec une joie non dissimulée, que nous foulons le sol de ce plateau, laissant derrière nous la barre rocheuse qui nous a valu quelques frissons .
Nous traversons alors un monde idyllique peuplé de chevaux quasi sauvages et nous croyons un court instant être entré par inadvertance au paradis !
Mais ni Saint pierre ni aucun ange ne viennent à notre rencontre et nous en concluons que nous sommes encore sur notre bonne vieille planète.
Nous nous étions réjouis trop vite, car cet ersatz de paradis mène en fait à un enfer minéral : la ligne de crête qui doit nous mener jusqu’au sommet de l’Estanyo, dont le sommet frôle les nuages en haut de la photo. Nous nous lançons vaillamment à l’assaut de ce chaos rocheux qui va nous servir de «chemin» jusqu’à notre objectif .
Nous apprécions finalement d’avoir emmené nos bâtons de marche, qui nous ont quelque peu gênés lors de la descente de la barrière rocheuse. Car ils nous servent maintenant de garde-fou face aux abimes qui nous cernent des deux cotés.
Chacun de nous vérifie de temps à autre que celui qui le suit n’a pas de difficulté. Les montagnards sont comme les mousquetaires, leur devise est «tous pour un, un pour tous».
Gibus qui est toujours devant - comme le petit cheval blanc de la chanson de Georges - recherche le meilleur itinéraire, nous évitant ainsi de nous engager dans des endroits trop risqués.
Mètre après mètre, nous progressons, concentrés sur les endroits où poser nos pieds et inconscients du temps qui passe. Faisant de temps en temps une pose pour souffler, nous sommes étonnés de voir le chemin parcouru malgré les difficultés. La montagne développe notre endurance, fortifie notre mental et nous enseigne la patience, la persévérance ainsi que la solidarité. C’est la plus belle école de la vie.
A l’approche du sommet, les choses se corsent encore un peu plus, les amas rocheux deviennent plus chaotiques et les pentes latérales plus raides.
A certains endroits les bâtons deviennent une gêne et l’entraide est de rigueur.
Et nous, fiers bipèdes, rois de la création, redevenons de piètres quadrupèdes se trainant lamentablement de rocher en rocher.
Mais ouf ! Nous arrivons enfin au sommet, fourbus mais envahis d’un bonheur immense d’être parvenus au but sans qu’aucun de nous n’ait finit ses jours dans le ventre d’un vautour ! (ça c’est un commentaire d’écrivaillon pour dramatiser un peu notre aventure).
Cet «exploit» mérite que l’on vous montre notre bobine afin que nous ayons notre quart d’heure de célébrité comme l’avait prédit Andy Warhol.
Magique est autour de nous le spectacle des sommets émergeant d'une mer de nuages. Mais nous préférons ne pas trop nous attarder, car si ces nuages avaient la malencontreuse idée de dévaler les pentes andorannes, cela rendrait problématique notre descente vers la plaine.
Nous décidons donc de « plier bagages » et d’aller retrouver nos compagnes qui – le supposons nous - doivent commencer à s’inquiéter (nous nous croyons tous irremplaçables).
Le temps restant finalement au beau, nous prenons néanmoins le temps de nous rafraîchir et surtout de ravigoter nos abattis fourbus dans l’eau plus que fraîche du lac de l’Estanyo.
Revigorés par ce bain « cryogénique », le retour se fait ensuite au pas de course, pressés nous sommes de retrouver nos compagnes mais également nos chères blondes du nord : Heine et Kein ! Aucun membre du groupe ne vous avouera, à ce moment précis, vers lesquelles vont, en priorité, ses pensées !
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Texte & Photos* Ulysse
(Sauf 12 & 22 Gibus)
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