Première nuit en refuge - Fin : le secret des Haut-savoyards !
Quand on annonce que l’on va dormir dans un refuge, c’est une façon de parler. On devrait plutôt dire que l’on va «passer» la nuit dans un refuge, car ce genre d’endroit n’est vraiment pas recommandé pour faire une cure de sommeil. Entre le concert de sonorités nasales et autres bruits physiologiques et le hurlement du vent qui tente d’arracher le refuge à la montagne, on a tout juste droit à quelques pointillés de sommeil au cours d’une nuit qui vous paraît interminable. Autant dire qu‘au moment du lever on n’est pas à son avantage et même ma sœur Emilie, que je trouve d’habitude plutôt jolie, ressemble à la sorcière du conte de Blanche Neige !
Ceci dit, sans fausse modestie, moi je trouve que je m’en sors pas trop mal, mais je pense que c’est grâce à ma cure de fraises Tagada qui me donne un teint frais quelles que soient les circonstances. Bon, je sais, on va encore me dire que je ramène trop ma fraise, mais c’est mieux que de faire du boudin, comme une certaine personne que je ne nommerai pas !
A 7h30 on se retrouve tous pour le petit-déjeuner qui est absolument indispensable si l’on veut pouvoir redescendre les 600 mètres de dénivelé que l’on a grimpés hier, afin de retrouver nos véhicules qui nous ramèneront jusqu’à nos pénates, où l’on pourra enfin dormir !
Je ne peux pas m’empêcher de vous montrer la bobinette ravie de ma soeurette chérie qui est privée de Nutella et qui contemple avec effarement un sachet de thé - probablement récolté du temps des romains - « trempouiller » dans son bol.
Du coté des haut-savoyards les mines sont plus réjouies car ils ont l’expérience de la montagne et de la rusticité de la vie que l’on y mène. Je ne comprends pas pourquoi les gens tiennent tant à vivre dans les grandes villes polluées et tristes, où les gens vous marchent tout le temps sur les pieds, surtout sur ceux des petits comme moi ! C’est décidé quand je serai grand, je serai gardien de refuge, à condition bien sûr que je puisse y emmener mes doudous et avoir un stock de fraises Tagadas.
Nous voilà prêts pour le départ. Le mouton mascotte du refuge vient nous dire au revoir et je me dis que je m’en servirai bien comme monture pour redescendre. Le problème est que je ne vois pas ce que j’en ferais après car je ne suis pas sûr que maman et papa acceptent que je le recueille dans ma chambre.
Pour prouver que ma petite faiblesse à la montée n’était que passagère je prends la tête du groupe avec Gibus, ce qui n’est pas une mince gageure, vu ma longueur de jambes !
Je n’ai pas encore beaucoup voyagé dans le monde mais le paysage qui s’offre à mes yeux est le plus beau que j’ai pu contempler.
J’accélère le pas car j’aperçois l’ombre d’un ours qui est quasiment sur nos talons et qui semble sur le point de sauter sur ma sœur inconsciente du danger. Mais mon papi m’assure que les ours de Pyrénées sont aussi inoffensifs pour les hommes que mes doudous et que celui-ci nous suit par simple curiosité. Certes, me dit-il, ils croquent de temps en temps un mouton, mais il s’agit de pauvres moutons abandonnés par ceux qui sont censés les garder. A vrai dire je suis un peu comme les ours car si les fraises Tagada ne sont pas bien gardées et bien je les mange !
Ceux qui s’imaginent que les descentes sont plus fastoches que les montées se trompent lourdement, car les chemins sont malheureusement couverts de cailloux qui prennent un malin plaisir à rouler sous vos pieds pour vous faire tomber cul par dessus tête.
Les petits cailloux sont les plus facétieux car ils s’insinuent dans vos chaussures dans l’espoir de voyager gratis. Mon papa en sait quelque chose qui a dû jouer les flamants roses pour se débarrasser de l’un d’entre eux.
Pendant que je regardais papa enlever le caillou de sa chaussure, Gibus et Tom ont pris de l’avance et je dois accélérer le pas pour les rattraper car je ne veux pas que Tom aille ensuite raconter à ses copains que les petits parigots sont des mauviettes.
Au moment où je les rejoins, Gibus a la bonne idée de proposer une pause près de la cabane de berger de Garsan, ce qui me réjouit secrètement car cet effort m’a essoufflé. Tom qui a vu que j'avais quelques difficultés vient vers moi pour m'encourager. Il me confie que sa forme est due à un secret de famille jalousement gardé qu'il veut bien me révéler à condition que je le garde pour moi. "Tu sais" me dit-il " C’est un peu comme la potion magique d’Obélix, l'exceptionnelle condition physique des haut savoyards vient de la consommation quotidienne de reblochon fermier depuis notre plus tendre enfance. Ce fromage étant fabriqué avec du lait provenant de vaches broutant dans les alpages donne des ailes à ceux qui en consomment régulièrement". J’ai promis à Tom de ne répéter ce secret à personne mais je le dirai quand même à mon papi qui saura enfin pourquoi Gibus est toujours devant lui quand ils vont sur les sommets !
Papi tient à nous prendre en photo avec nos frangines, ce qui ne nous réjouit pas Tom et moi car on était plutôt heureux de ne pas les avoir pour une fois sur le dos. Je peux vous dire que ce n’est pas un avantage d’avoir une grande sœur car c’est comme ci on avait deux mamans, Emilie se croyant autorisée à me donner des ordres et à me houspiller. La différence est que ma vraie maman après m’avoir grondé me fait des bisous, ce qui n’est pas le cas de ma frangine !
Désireux d’épater Tom et de lui montrer que les petits parisiens ont de la ressource même s'ils ne mangent pas tous les jours du reblochon fermier, j’enfile les bretelles du sac de mon papi dont il s’est débarrassé le temps de la pause. Tentant de me redresser je sens qu’il reste scotché comme une huître au rocher sur lequel il est posé. Heureusement mon papi vient à mon secours en réclamant son sac à dos sous le prétexte que c’est un objet qui, comme les brosses à dents, ne se prête pas. Mon honorable papi me sauve ainsi la face et je lui en suis reconnaissant.
Dès que les anciens donnent le signal du départ je me précipite en tête et prend vite le large. C’est pour moi une question vitale d’amour propre et d’estime de soi. Je veux pouvoir me raser dans la glace le matin (du moins faire semblant comme papa) et me dire "Romain tu n’es pas un traîne savates, je suis fier de toi". Bon maman vous dira que ça ne m’empêche pas de laisser traîner mes savates partout !
Mais, pour autant, je ne me balade pas comme une valise et je prends le temps d’admirer le paysage qui est de toute beauté. Je comprends Gibus et mon papi qui aiment grimper là-haut seuls sur les cimes ou personne ne vient les embêter pour leur rappeler le bricolage à faire ou mettre de l’eau dans leur verre…
Et c’est vrai que la randonnée en montagne nous apaise et nous rend serein. Même Carla et Emilie finissent par nous oublier pour se réfugier dans leurs pensées. Finalement j’aimerais bien que nous passions toutes nos vacances en montagne.
Et puis la montagne nous apprend la patience. Les anciens nous expliquent qu’il a fallut des millions d’années pour que la pluie, le gel et le vent fendent ce rocher en deux. Bon cela dit j’espère que je n’attendrai pas aussi longtemps pour avoir le costume de Harry Potter dont je rêve.
Nous suivons bientôt le cours du torrent de l'Aston qui alimente le lac du Leparan auprès duquel nous avons garé nos voitures. C’est avec regret que nous voyons le terme de notre périple approcher.
Nous posons pour une dernière photo afin d’immortaliser ces moments mémorables de notre jeune existence : notre premier périple avec une nuit passée dans un refuge de montagne !
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Texte & Photos Ulysse
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