A la découverte des fours à chaux et des charbonnières du bois de Mounié
Nos randonnées hebdomadaires peuvent être sportives et ce sont alors nos jambes qui sont sollicitées, ou bien bucoliques, comme celle que nous entreprenons aujourd’hui qui va plutôt stimuler nos vieux neurones. Car à qui fait preuve de curiosité et d’attention au monde, le moindre sentier réserve, en effet, de quoi s’instruire et méditer. Nous partons du lac de Cécélès durement affecté par la sécheresse qui sévit dans notre région depuis des mois, ce qui augure des restrictions d’eau pour les pastis de l’été prochain.
Traversant le village de Ste Croix de Quintillargues, nous jetons un oeil au puits communal où des générations de Quintillarguois sont venus puiser de l’eau à une époque où l’eau courante et le pastis - qui n’a été inventé qu’en 1918 - n’existaient pas. L’eau était alors un produit précieux que l’on ne gaspillait pas. Prenons en de la graine, abandonnons le pastis et buvons du vin !
Cette région vallonnée est traversée par de grandes pistes forestières bordées de pins, de vignes et de forêts de chênes verts, ce qui fait qu’il y règne, visuellement, un éternel printemps !
Les amandiers aussi s’y plaisent qui sont les premiers arbres fruitiers à fleurir. Mais attention elles sont souvent amères, comme celles que nous délivrent nos « bons amis» de la maréchaussée.
Nous partons à l’assaut de la Suque, puech (colline) qui culmine à 325m et est recouvert par le bois de Mounié, où opéraient, jusqu’au début du XXème siècle, des chaufourniers et des charbonniers dont nous allons découvrir les activités plus avant. Soyez patients !
Le sentier, qui évolue au milieu d’un chaos de roches calcaires, n’est pas toujours évident et des cairns le balisent. Chaque randonneur prend plaisir à y ajouter son caillou, se liant ainsi secrètement à ceux qui sont passés avant lui.
Nous parvenons devant un premier four à chaux en ruine qui a été excavé dans le sol calcaire et complété par un mur de pierres circulaire.
Le second four à chaux que nous découvrons est complet avec sa couverture en pierres et son ouverture pour alimenter le feu.
On voit ici la coupe d’un four où l’on entassait les pierres calcaires qui étaient calcinées et transformées en chaux par une chauffe à 900° qui durait quatre à cinq jours. Avec cette chaux on faisait du mortier, que déjà les romains utilisaient pour édifier leurs habitations et monuments.
Mais pour alimenter le feu des fours, il fallait des quantités phénoménales de charbon de bois que fabriquaient les charbonniers installés un peu plus loin et dont on voit ici une cabane qui leur servait d’abri.
Sur le site, on découvre une émouvante photo d’un couple dont l’homme était charbonnier et que son épouse devait de temps en temps rejoindre. Isolés dans la forêt, noirs de fumée et parlant un patois incompréhensible car ils venaient souvent d’Italie, les charbonniers étaient vus comme des êtres à part dans la société. Les contes populaires, le feu et le travail de nuit ont souvent donné une image inquiétante et mystérieuse de ces alchimistes qui transformaient le bois en charbon.
On voit ici une coupe transversale d’une charbonnière traditionnelle montrant l'agencement du bois recouvert de terre avant sa mise en combustion. Cette dernière pouvait durer jusqu'à trois semaines en fonction de la qualité du bois qui ne devait jamais s’enflammer, demandant donc une surveillance permanente.
Nous arrivons au sommet du Puech d’où nous découvrons le Pic Saint Loup et la falaise de l’Hortus qui lui fait face, et au loin derrière, la Séranne, trois massifs que nous avons gravis maintes fois. Les lieux pour se dégourdir les jambes, comme vous le voyez, ne font pas défaut dans l’Hérault.
Nous redescendons sur le plateau et traversons un bois de chênes verts dont les branches sont ornées de lichens. On ne prête généralement pas attention à ce végétal qui fut pourtant la première forme de vie à apparaître sur la terre ferme il y a 500 millions d’années, le premier animal n’étant apparu que cent millions d’années plus tard. On prend ainsi conscience que nous sommes devant notre ancêtre! Notons, au demeurant, que certains humains en sont restés à ce stade! Ces végétaux sont issus d’une symbiose entre un champignon et une algue, le champignon fournit à l'algue des sels minéraux et de la vapeur d'eau pour la photosynthèse. En échange, l'algue procure des glucides et des vitamines au champignon. Etant autosuffisants ils ne nuisent pas aux arbres sur lesquels ils se développent. Alors que l'homo sapiens est un nuisible pour les arbres!
Franchissant la limite séparant deux communes, nous découvrons ce rafraîchissant panneau, heureuse initiative d’enseignants que nous félicitons au passage. La poésie, hélas, ne sauvera pas le monde, mais elle peut, un bref instant, l’enchanter.
Nous avançons en direction de la serre des Pierrasses. On dit que le temps est un élément insaisissable et invisible qui file entre nos doigts mais pour les randonneurs le temps est une route qui se déroule vers l’horizon où ils découvrent où ils seront dans un proche futur et, se retournant, voient où ils étaient dans un proche passé. Pour rajeunir il suffit alors de marcher en reculant, ce que je fais souvent, ce qui explique ma longévité !
Parvenus en haut de la serre, nous découvrons au loin l'heureux village des enfants poètes : St Bauzille de Montmel que domine le Puech des Mourgues.
Il est presque midi et nous tombons avec bonheur sur cette pancarte…..qui se révèle hélas périmée, l’apéro en question ayant été probablement prévu par des nemrods du coin ayant levé le camp! C’est aussi bien, car nous aurions pu être confondus avec des sangliers et prendre une volée de chevrotines dans les fesses s’ils avaient encore été là!
Nous bifurquons sur la serre des Piochs Longs où nous trouvons fort opportunément une table «celtique» pour y pique-niquer.
Après une sieste réparatrice, nous descendons vers le Patus avec en ligne de mire le pic Saint Loup.
Nous nous sommes attardés, un peu plus tôt, sur un lichen généralement ignoré des randonneurs, mais qui prête également attention au chardon des champs? Il est vrai qu’il est rébarbatif avec ses feuilles armées de piquants qui le protègent des herbivores. Mais il est très attractif pour de nombreux insectes pollinisateurs, sa floraison mauve estivale pouvant atteindre le nombre de 40 000 par pied même si la totalité des graines n’est pas en mesure de germer. Leur forme en "plumeau" leur permet de se disperser jusqu’à 200 m à la ronde, faculté que l’on dénomme « anémochorie » (déplacement par le vent). C’est ainsi que les plantes voyagent !
Ces graines d’orme champêtre - que l’on nomme samares - sont aussi des championnes d’anémochorie, leur forme circulaire en fait de vrais soucoupes volantes quand le vent les emporte. Savez vous que, fraîches, elles sont délicieuses dans une salade! Hormis l’homo sapiens complètement raté, la nature est une merveilleuse création.
Une dernière petite leçon de botanique avant de reprendre le fil de notre randonnée. On connait généralement deux types de feuillages: les caducs qui se développent au printemps et tombent à l’automne, les persistants dont les feuilles tombent et se renouvellent toute l’année. Mais il existe un troisième type : les marcescents qui concernent les charmes, les châtaigniers, les chênes et les hêtres (principalement les jeunes sujets) dont les feuilles ne tombent qu’à la pousse des nouvelles feuilles. Cette particularité aurait l’avantage de dissuader les grands herbivores (cerfs) de manger les bourgeons nutritifs, en leur présentant des feuilles mortes et sèches, très peu nutritives, et moins appétentes. En outre la marcescence des feuilles permet à l'arbre de piéger la neige pendant les mois d'hiver. Elle peut alors constituer une sorte d'igloo protégeant des fortes variations de températures et du vent, et en collectant de la neige supplémentaire, les arbres ont une meilleure réserve d'eau au moment de la fonte des neiges.
Nous perdons peu à peu de l’altitude et nous voyons le pic Saint loup, tel le Titanic, sombrer peu à peu dans la plaine.
L’ensemble du plateau qui entoure le pic Saint Loup et l’Hortus est couvert de vignes qui donnent des nectars réputés dans le monde entier. Il y a un domaine créé par un vigneron fort sympathique que je vous recommande en particulier qui n’est pas le plus connu mais qui à mes yeux produit des vins parmi les plus soyeux de l’appellation à des prix raisonnables : le château de Valflaunès !
Revenus aux abords de notre véhicule et abordant une zone étonnamment marécageuse malgré la sécheresse, nous sommes saisis d’effroi par un formidable rugissement. Nous nous trouvons soudain face à un tyrannosaure venu d’on ne sait où. Je rassure tout de suite mon copain Jo en lui disant que nous n’avons rien à craindre, vu que le T-REX, n’étant amateur que de chair fraîche, ignorera les vieilles carnes que nous sommes. J’avais tout à fait raison car nous sommes passés sans encombre et je peux aujourd’hui vous relater notre balade.
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Je vous invite à écouter ma chanson
Cour de récré
Sur mon blog Canta-laVida
(lien dans la barre de titre)
TEXTE & PHOTOS* ULYSSE
* et quelques schémas internet
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