A l’assaut des moulins de Nissan lez Enserune
Les prévisions météo pour ce mardi 16 janvier étaient plutôt optimistes mais, alors que nous étions sur le point de partir avec l’ami Jo, la pluie se met à tomber. N’étant pas en sucre ni défaitistes, nous maintenons notre projet d’aller à l’assaut des moulins de Nissan lez Enserune («lez» voulant dire «près de») non pas pour les combattre, comme ce fut le projet de Don Quichotte avec les moulins de la Mancha qu’il prenait pour des géants dangereux, mais pour la beauté réputée du site. Nous partons du lieu dit «les Rengues» près de Lespignan en bordure de la zone marécageuse de la Matte, classée en zone protégée Natura.
Le dicton «la chance sourit aux audacieux» se révèle pertinent car la pluie cesse très vite, les nuages peu à peu se délitent et illuminent les canaux où se mirent les arbres heureux de pouvoir admirer leur frondaison.
Ayant contourné, sur des remblais, la zone marécageuse malheureusement asséchée par la sécheresse qui a sévit pendant des mois dans notre région, nous parvenons au pied du Puech Blanc, le bien nommé et filons vers l’Ouest.
Pour rejoindre le sentier que nous avons repéré sur la carte, Jo prend le chemin le plus court mais qui n’est pas le plus facile contrairement à votre serviteur qui, toujours économe de ses efforts, a choisi un itinéraire plus «relax».
Nous surplombons la vaste zone marécageuse qui provient du comblement d’un ancien golfe maritime qui s’était formé il y a quelques milliers d’années après la dernière période glaciaire.
Ce golfe a été comblé par des sédiments apportés par les eaux de l’Aude dont le cours a varié au fil du temps. Nous cheminons ainsi sur de pittoresques buttes de limons jaunes et de calcaires lacustres friables. Notons au passage que l'Aude, qui connait des crues dévastatrices, tire son nom du nom Atacos que lui avaient donné les gaulois qui signifie "le fougueux".
Le paysage en contrebas a un air de savane africaine sauf que l’on n’y voit aucun animal sauvage ni à plume ni à poils. Il faut dire que de nombreuses cahutes de chasseurs y sont disséminées, ce qui explique cette absence de toute vie animale. Malgré le discours des politiques qui prétendent oeuvrer à la protection de la biodiversité, la France est le pays champion d’Europe de chasse y compris d’espèces protégées et d’utilisation de pesticides et d’herbicides mortifères qui déciment les oiseaux, les insectes et les petits mammifères. Quand on voit les récentes décisions prises à la suite de la contestation des agriculteurs on peut dire qu'en France on avance en reculant ! On a voulu faire de l'agriculture une industrie comme une autre soumise à la mondialisation et l'on voit les dégâts dont les premières victimes sont les agriculteurs eux mêmes.
Redescendus sur le plateau pour partir à l’assaut du Roc du Caila et du Puech Pouncha qui dominent l’étang du Cantogragnatos, noms qui a eux seuls vous font voyager, nous découvrons sur une ligne de crête vers le Nord les deux moulins de Barral et de Tiquet.
On dit que l’histoire est faite d’éternels retours et cela est particulièrement vrai puisque qu’aujourd’hui avec les éoliennes on redécouvre la force et l’utilité du vent comme source d’énergie. Il est vrai que cette énergie est parfois inutile quand ce sont nos hommes politiques qui en brassent !
Ces moulins qui furent édifiés au XVIIème siècle comprenaient à l'époque des habitations et des dépendances. Ils servaient à moudre le blé, culture bien développée à cette époque ainsi que le soufre importé d’Italie pour le traitement de la vigne.
Abandonnés au XIXème siècle, ils ont été restaurés grâce à une association de Nissan lez Enserune par des bénévoles qui étaient tout sauf des brasseurs de vent !
Etant redescendus par le versant sud des Moulières, nous bifurquons vers le Puech Blanc pour aller visiter la chapelle St Christol sobre et quelconque d’apparence mais dont l’histoire établie par Joseph Giry prêtre, spéléologue et archéologue, (1905-2002) mérite d’être contée: Au premier siècle de notre ère, il y avait en ce lieu une importante villa romaine « Mexigasa » située en bordure de la voie romaine allant de Narbonne à Agde. Ce passage très fréquenté était consacré à Hercule, le dieu des routes, et c’est pourquoi les premiers chrétiens, sacralisant cet endroit au 5ème siècle en construisant une chapelle, la dédièrent à St Christophe ou Christol le protecteur des voyageurs. Fréquemment démolie puis reconstruite au cours des siècles, elle fut pour la dernière fois visitée en 1604 par l’évêque de Narbonne. Elle tomba ensuite en ruine pour être restaurée en 1987 par un groupe de bénévoles.
Le grand intérêt de cette chapelle est qu’elle est ouverte au public et comporte quelques oeuvres «d’art», modestes certes et sans doute crées et données par les bénévoles qui l’ont restaurée, mais émouvantes, tel ce tableau de Marie portant Jésus.
Ou cette photo d’une magnifique sculpture d’une grande finesse et douceur dont j’aimerais savoir où elle est exposée. Si jamais une lectrice ou un lecteur a des infos sur le sujet je suis preneur.
Ou bien encore cette broderie du visage de Jésus portant sa couronne d’épines qui émeut le mécréant que je suis. Les paysages de notre pays sont pétris d’histoire et on se cultive et s’enrichit à en parcourir à pieds ses chemins.
Nous redescendons d’un pas tranquille vers les marécages parcourus le matin. Qu’il est agréable et revigorant d’échapper ainsi à la routine quotidienne de nos jours qui font qu’ils se superposent et finissent par se confondre. Un jour passé sur les sentiers dépayse notre âme, la nourrit de beauté et l’enivre du doux parfum de l’aventure.
Nous marchons sur des sédiments laissés par une ancienne mer incrustés de coquilles d’huitre et autres mollusques. On sait que la mer reviendra d’ici quelques dizaines d’années mais je n’irai plus, alors, à la pêche aux moules!
Nous longeons des roselières dont les plumeaux accrochent les rayons rasants et blafards du soleil hivernal.
On va parfois bien loin en quête des beautés du monde, comme je l’ai fait autrefois, alors qu’elle se révèle tout au long de nos sentiers à qui a un regard disponible et attentionné.
De retour auprès du canal que nous avions longé le matin, une aigrette nous accompagne en fuyant dès que nous sommes trop proches, C’est, hélas, la seule trace de vie animale que nous aurons constatée au cours de cette, néanmoins, très belle journée.
*****
Je vous invite à écouter ma chanson
T'es trader....
Sur mon blog Canta-laVida
(lien dans la barre de titre)
TEXTE & PHOTOS ULYSSE
A découvrir aussi
- Rencontre avec le Sphinx du Caroux
- Evitez les faux pas dans les Gorges de la Carança !
- Autour du vignoble de Cabrières