Allons visiter Boussagues en passant par le pont du Diable…..
Si vous aimez les lieux chargés d’histoire qui nous permettent de remonter le fil du temps - sans nous rajeunir, hélas! - et nous font prendre conscience que notre existence s’inscrit dans une longue chaine d’autres existences qui ont contribué à bâtir, souvent dans la souffrance, notre civilisation, le village de Boussagues, joyau méconnu de l’Hérault, est fait pour vous. Pour le rejoindre, nous allons emprunter le chemin des écoliers et suivre le GR de pays qui franchit le pont du Diable qui enjambe la Mare en amont de Villem agne l’Argentière, village qui mérite aussi une visite.
Ce pont en pierre a été édifié au XVIIIème siècle afin d'acheminer les convois de charbon en provenance de Camplong et à destination des fours de la verrerie aménagée à Hérépian. Il présente la singularité d'être construit en pente, du fait de la différence de niveaux entre les deux rives de la Mare.
La rivière coule, en effet, le long d’une faille rocheuse qui la rendait difficilement franchissable.
Edifié sur les contreforts des monts qui dominent la vallée de l’Orb et le protègent à la fois du Mistral et de la Tramontane, deux vents froids qui peuvent être tempétueux, ce village qui porte vaillamment son millénaire est doté de fortifications, de deux châteaux, de deux églises et de quatre fontaines que l’on va découvrir en suivant son dense lacis de ruelles.
Nous commençons la visite en franchissant l’une des portes fortifiées qui est adossée à l’un des plus beaux bâtiments du village : la maison du Bailly édifiée au XIIème siècle et qui fut jusqu’au XVème siècle le siège de l’administration du village et de la justice.
Au XVIème siècle, elle devint la propriété de la famille d’Alichoux (genoux, bijoux, cailloux, joujoux, hiboux, poux, ah ah ah !) de Sénégra, le dernier propriétaire de cette lignée n’étant autre que le peintre Toulouse Lautrec qui en hérita de sa tante Amandine de Sénégra. Mais ce dernier n’y mit jamais les pieds, préférant de beaucoup les plaisirs de Paris et surtout ses femmes légères (les hommes sont toujours lourds !) à l’isolement et à la vie rude de ce village perdu du Languedoc. Si l’histoire dit qu’il n’y mit jamais les pieds c’est à voir car il se raconte à Boussagues une drôle d’histoire liée au témoignage de Soeur Delphine qui vécut en ces lieux peu avant la guerre de 14-18 et qui aurait eu la visite nocturne de ce personnage qui aurait même un soir de colère cassé la pendule. Laissez moi vous conter cette étonnante histoire :
Le fantôme de Henri de Toulouse Lautrec
La mère du peintre entretenait dans ce manoir une petite congrégation de religieuses, chargées de faire l'école aux enfants du pays et aussi de prier pour l'âme de son fils, à la vie parisienne dissolue. Après la mort du peintre (1901), ces sœurs restèrent dans le manoir jusqu'à leur mort. La dernière, Sœur Delphine, eut plusieurs fois en 1914 l'apparition d'un homme lui faisant le signe de la soif. Après plusieurs refus, cet homme tordit de rage le balancier de la pendule de la chambre et s'en fut. Le récit et la description de cet homme qu'elle fit au curé du village, rappela étrangement la tenue et l'allure physique caractéristique du peintre qu'elle n'avait pourtant jamais vu ! Le curé du village rapporta l'histoire à la famille et fut chargé de nouvelles prières pour l'âme du peintre. Mais toujours est-il que la force qui avait pu tordre ce balancier dépassait largement celle d'une vieille dame !..
Le village est encerclé et même traversé par des ruisseaux qui préservent une certaine fraîcheur même pendant les mois d’été. Mais cet avantage se paie de quelques dégâts causés de temps en temps par les inondations comme on le verra plus loin.
Cette présence de l’eau permet également à la végétation d’y prospérer ce qui ajoute au charme du village.
Les riches demeures que l’on y découvre, comme cette bâtisse munie de fenêtres à meneaux de style renaissance, témoignent de sa prospérité passée provenant de l’exploitation des mines d’argent et de charbon situées dans les alentours. Cette prospérité dura jusqu’au milieu du XIXème siècle après quoi le village glissa doucement dans une douce quiétude dont jouissent aujourd’hui près de cents habitants.
Au coeur du village se dresse l’austère église de Notre Dame de la Pitié érigée au XIIème siècle mais dont la nef a été reconstruite de travers du fait de la modification du terrain après avoir été emportée par une inondation.
Sur sa façade, une pierre tombale venant du cimetière du village a été incrustée que les latinistes (il y en a parmi ma génération) auront pu traduire et qui veut dire « Ce que tu es, je l’ai été, ce que je suis tu le seras ». Une belle invitation à profiter du temps qui passe et à déguster avec lenteur et patience la bouteille de rosé qui m’attend (au moment où je vous écris il fait 40° dehors) pour le repas du soir en espérant que ce ne sera pas la dernière.
Un premier château dénommé le « château bas » édifié au XIIème siècle se dresse au dessus de nos têtes sur un promontoire qui le rend imprenable.
Il a été aménagé et transformé à la renaissance par la famille d’Alichoux de Senegra pour le rendre plus confortable comme en témoignent les fenêtres à meneaux qui ornent sa façade sud.
On accède au second château, dénommé le château haut, également édifié au XIIème siècle, par un superbe chemin caladé qui défend Boussagues sur son flanc Nord. Ces deux châteaux faisaient de Boussagues la cité du midi la mieux défendue après Carcassonne. Ils ont notamment permis de protéger les villageois lors des incursions de l’armée du Prince Noir qui a ravagé la région pendant la guerre de cent ans.
Le village est également une étape sur la route de Saint Jacques de Compostelle entre Saint Gervais sur Mare et Lunas. D’où la présence d’une seconde église, en ruine.
Seuls subsistent les murs extérieurs dont l’appareillage des pierres résiste encore vaillamment à l’assaut des intempéries, témoignage du savoir faire des anciens.
De même un oculus a vaillamment résisté au temps, émouvant oeil qui contemple le ciel et découvre qu’il est vide. Si dieu existait, la Terre ne serait pas pour certains un enfer ou alors c’est un dieu sadique. De fait quand on voit l'état du monde on comprend que c'est le diable qui le mène. D'ailleurs la route qui mène à Boussagues passe par le pont du Diable!
PS: Pour visiter ce village je vous conseille de faire appel à l’association des amis du vieux Boussagues qui organise des visites guidées. Vous pouvez compléter votre visite par la visite du Pont du Diable (un parking est aménagé à cet effet) et un déjeuner à l’Auberge de l’Abbaye de Villemagne l’Argentière village qui mérite aussi un visite. Un dépliant touristique est disponible au restaurant.
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Je vous invite à écouter ma chanson
T'es mediadead
Sur mon blog Canta-la-Vida
(lien dans la barre de titre)
TEXTE & PHOTOS* ULYSSE
* sauf Toulouse Lautrec Wikipedia
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