Périple dans le Ripollès - 1- De Mollo à Sant Joan de les Abadesses
Il est fort probable, sauf si vous êtes catalan espagnol, que vous ne sachiez pas où se situe le Ripollès. C’était mon cas, avant que je ne tombe sur un reportage dans une revue touristique qui en célébrait les beautés méconnues. Il faut dire que cette région est cachée dans les replis des Pyrénées catalanes espagnoles que dominent le Pic de la Dina (2702m) et le Puigmal d’Err (2910m). On y accède, de France, en franchissant le col d’Ares d’où l’on découvre le massif du Canigou recouvert, en ce jour, par une élégante écharpe de nuages.
Notre première étape nous mène à Mollo où nous visitons l’église romane de Santa Sicilia édifiée au XIème siècle et ornée d’un superbe clocher de style lombard.
On est étonné de trouver sur la porte d’entrée une ferrure en forme de tête de serpent mais rappelons que, dans la Genèse, le rôle de cet animal, symbole du péché originel, est d’introduire le libre arbitre dans l’esprit des humains en leur apprenant la différence entre le Bien et le Mal.
Nous nous engageons dans la somptueuse vallée sauvage de Rocabruna qui semble épargnée par la sécheresse qui sévit dans la partie sud de la catalogne espagnole.
Nous faisons une halte pour jeter un coup d’oeil à l’imposante chapelle Saint Felix du hameau de Rocabruna mais aussi pour nous régaler des délicieux plats locaux au restaurant cinquantenaire Can Plujà. Les éléments cultuels nourrissent l'âme mais l'estomac réclame aussi son dû!
Puis nous faisons une balade digestive dans le village de Beget, situé un peu plus loin dans la vallée, qui a conservé ses atours médiévaux et où se dresse la magnifique església de San Christòfol de style roman lombard qui arbore un audacieux et élégant clocher de quatre étages.
L’étape suivante nous mène à Camprodon que traverse le Ter et qui fut le berceau du compositeur Isaac Albeniz.
Cette ville est réputée pour ses pâtisseries - les fameuses galettes Birba - et ses impressionnantes charcuteries. Il ne fait pas bon naître cochon en ce beau pays !!!
Nous nous rendons ensuite auprès du pont édifié au XIIème siècle et remanié au XIVème siècle dont la silhouette illustre les boites de galettes! La longueur de son arche et les orifices qui l’ornent témoignent de l’importance des crues qui affectent - ou plutôt affectaient - périodiquement la région.
Nous empruntons le pont pour regagner le centre ville où nous déambulons dans la pittoresque carrer (rue) de València.
Nous ne pouvons hélas que donner un coup d’oeil à la belle església de Sant Pere qui est fermée, le dieu des catalans étant tout aussi impuissant que le dieu gaulois contre les pilleurs d’église.
Nous arrivons dans la belle ville de Sant Joan de les Abadesses, notre dernière étape du jour, dont la vaste place centrale est ornée d’un élégant clocher, vestige de l’església de Sant Pol détruite pendant la guerre civile.
Il subsiste également le mur de façade de l’église avec un étonnant tympan où le Christ, St Pierre, St Paul ainsi que deux anges sont représentés avec des gueules patibulaires! Ces sculptures sont, je pense, assez fidèles car si l’on en croit les témoignages historiques, il valait mieux ne pas marcher sur les pieds de Jésus et de ses apôtres! Les marchands du temple de l’époque en savent quelque chose !
Cette ville s’étale sur la rive gauche du Ter qu’enjambe un pont médiéval de 33mètres, le plus long de Catalogne espagnole. Il est également doté d’orifices qui donnent une idée des crues qui peuvent se produire.
Après une balade le long de la rivière, nous empruntons le pont pour nous rendre au centre ville où nous attend une merveille.
Nous voici au chevet du Monestir de Sant joan de les Abadesses, monastère bénédictin qui fut édifié au IXème siècle par Wilfred le Velu, père d’Emma de Barcelone qui en fut la première abbesse, puis remanié au XIème siècle. Cette communauté féminine fut ensuite dissoute pour être remplacée par une congrégation de frères augustins. La dissolution de cet ordre féminin serait due à un scandale car la légende attribue à la troisième abbesse Adalaisa une relation coupable avec le comte Arnau, héros de la reconquête contre les maures qui aurait ensuite sombré dans la dépravation, courant la campagne en saccageant villages et places fortes, pillant et pendant ses vassaux, emmenant les jeunes et belles paysannes dans sa demeure de Blancafort pour qu’elles lui servent d’esclaves sexuelles. Condamné à errer pour l’éternité entre la Terre et l’enfer, il chevauche désormais la nuit sur un cheval noir crachant des flammes, suivi d’une meute de chiens hurlants. Nous avons évité toute sortie nocturne pour ne pas le croiser !
Les chapiteaux des colonnes de l’abside sont ornés de superbes sculptures dont celle-ci qui représente un intrigant personnage à double corps et une seule tête tirant sur sa barbe, dont la signification m’échappe. Une lectrice ou un lecteur saura-il m’éclairer?
A l’intérieur on découvre une stèle murale dédiée à la première abbesse.
La hauteur et la grandeur de la nef sont impressionnantes pour une église romane.
Dans le choeur se dresse un chef d’oeuvre: l’ensemble sculptural en merisier d’El Davallament ou Santísimo Misterio (achevé en 1251) unique dans le monde roman et qui représente la descente de la croix de Jésus en compagnie de Joseph d'Arimathie (qui recueillit le Saint Graal), de Nicomède (qui a enlevé les clous), de Saint Jean, de la vierge Marie et des deux voleurs qui ont accompagné le Christ dans son calvaire.
L’église possède aussi un remarquable retable en albâtre du XIVème siècle de Santa Maria la Blanca.
Particulièrement émouvante est la scène qui représente la fuite en Egypte de la sainte famille. Jésus, Marie et Joseph en ont ils profité pour visiter les pyramides?
On découvre aussi la reproduction d’un autre et magnifique retable en albâtre de la passion du XIVème siècle (dont l’original est en sécurité au musée de Vic)
De facture naïve, des scènes émouvantes représentent notamment la descente de croix et la mise au tombeau du Christ. Je note l’importance des femmes dans l’histoire et l’imagerie chrétiennes qui rend cette religion plus sympathique que d’autres….
Dans une chapelle adjacente, on découvre une autre merveille: une remarquable statue de la Vierge réalisée par le sculpteur catalan contemporain (décédé en 1989) Josep Viladomat. Sa beauté m'inciterait presque à me convertir .....
Le cloître, édifié au XIVème siècle est une merveille de délicatesse qui contraste avec l’architecture austère de l’église.
A suivre…..
Je vous invite à écouter ma chanson "Bulles de savon"sur mon blog
Canta-la-Vida
(lien dans la barre en en tête du blog)
PHOTOS ET TEXTE ULYSSE
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