Ascension, entre chèvres et moutons, du Saint Baudille
Nous voilà partis - de bon matin, bien évidemment car le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt – pour faire l’ascension du modeste mont Saint-Baudille (848m) sommet situé à l'extrémité sud-ouest du massif de la Séranne, rebord méridional du causse du Larzac. Il tient son nom d’un martyr originaire d'Orléans, qui décida d'aller évangéliser la région de Nîmes où il fut décapité pour avoir interrompu un sacrifice païen. Souvent dans notre vieux pays, les noms de lieux nous parlent de l’Histoire !
Le sentier part de la chèvrerie départementale de la Font de Griffe, subventionnée en vue de revitaliser et d’entretenir un territoire soumis à la désertification, les chèvres étant d’excellents débroussailleuses 100% «bio». Au moins l'argent dépensé pour ces chèvres est mieux utilisé que celui qui sert la entretenir la kyrielle de premiers ministres et de présidents à la retraite, exclusivité de notre démocratie qui n’est, en fait, qu’une crypto-monarchie. En faisant de l’humour noir on pourrait dire que ça fait partie de l’aide aux personnes âgées dépendantes quand on voit l'état de certains de nos ex-présidents !
Bientôt nous entendons derrière nous le bruit d’une cavalcade et de quelques clochettes et nous voyons avec bonheur accourir l’ armée de débroussailleuses.
Pas du tout effarouchées par notre présence, elles nous dépassent sans nous ménager, nous poussant de leur tête pour qu’on leur laisse le passage.
Puis soudainement elles s’arrêtent pour attendre les retardataires, liées par un lien de solidarité dont les humains feraient bien de s’inspirer. Sans doute aussi connaissent-elle l’histoire de la chèvre de monsieur Seguin qui est morte de s’être aventurée seule dans la montagne ! Et elles ont raison car on commence à signaler ici et là la venue des loups dans l'Hérault!
Suivant leur exemple nous attendons nos propres retardataires, qui ont quelque peine à traverser le troupeau.
Les chèvres se sont finalement dispersées sur les pentes du mont Saint Baudille pour se livrer à leur travail de débroussaillage, nous laissant le champ libre pour poursuivre notre ascension.
Nous arrivons en vue du sommet coiffé d’une tour de télécommunications, phare moderne qui permet à des milliers de gens de s’envoyer grâce à leurs « smartphones » des messages du genre «T’es où ?» «Que fais tu ?», d’être averti en temps réel (c'est fondamental!) de la destitution du prince de l’Indoukouch ou de recevoir des promotions commerciales sur les couches culottes.
Là haut au sommet, nous sommes quasiment seuls au monde si ce n’est la présence d’un pèlerin assis tranquillement au bord du chemin. Nous passons en silence, soucieux de ne pas troubler sa méditation.
Soudain une voix nous hèle et nous retournant nous découvrons un pénitent gris qui nous indique être monté faire un pèlerinage pour honorer la mémoire de Saint Baudille et qui ne retrouve pas le sentier pour descendre. Nous lui indiquons bien volontiers, ce qui nous vaut sa bénédiction, qui est bonne à prendre même pour des mécréants comme nous, car, suivant le conseil de Blaise Pascal, on ne sait jamais ! Rappelons à nos lecteurs qui n’auraient pas lu ce penseur du XVIIème siècle qu’il nous invite à parier sur l’existence de Dieu en avançant l’argument suivant : "Supposons que nous ayons parié pour l’existence de Dieu : “Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu’il est, sans hésiter”.
Ayant fait une pause pour honorer les dieux Bacchus et Plutus (comme l’on dit, nous « mangeons à tous les râteliers » on ne sait jamais !) nous reprenons notre périple en baissant par endroits la tête pour ne pas être mouillés par les nuages qui folâtrent sur la ligne de crête.
A l’endroit où le sentier bascule vers la plaine, nous jouissons d’une vue somptueuse sur la dent rocheuse du Pic Saint Loup auquel fait face celle plus émoussée de l’Hortus.
Alors que l’Everest est envahit par une foule de zinzins amateurs – qui en font l'ascension moyennant 50.000 dollars mais aussi parfois au prix de leur vie, des bonbonnes d’oxygène et l’aide de trois sherpas – dans le seul but de se vanter et de pérorer auprès de leurs amis, nous, nous arpentons seuls une nature sauvage dont la vastitude et la sérénité gonflent notre âme comme une voile, comme l’a si bien écrit une lectrice de mon blog dans un commentaire.
Et la beauté de la nature est à nos pieds dans toute sa diversité. Chaque bord de chemin est un univers à explorer.
Revenus dans la plaine, une scène champêtre nous attend. Après les chèvres du matin, nous croisons un berger et son troupeau, assisté pas ses deux chiens, un patou pour dissuader les prédateurs et un border collie pour discipliner le troupeau.
Le troupeau est constitué principalement de moutons et de quelques chèvres qui vivent en bonne entente.
On y voit aussi quelques moutons à la laine foncée qui paissent sereinement à coté de leurs congénères « blancs ». Il n’ y a que l’homo sapiens, ce bipède mal embouché, pour établir parmi ses semblables une hiérarchie basée sur la couleur de peau. Stupides sont ceux qui tirent ainsi d’une certaine pigmentation épidermique un sentiment de supériorité.
Alors que les moutons restent précautionneusement à distance, une chevrette manifestement intriguée par mon appareil photo me fait face sans manifester aucune inquiétude. Elle ne sait pas que grâce à mon blog elle va connaître une certaine notoriété !
Ce spectacle immémorial nous ramène à l’origine de notre monde, lorsque l’homme jusqu’alors cueilleur chasseur et semblable en cela aux autres mammifères, a domestiqué les animaux et s’est mis à cultiver la terre. Ainsi ce berger, comme ses lointains cousins d’il y a dix mille ans, est revenu à la première page de l’histoire de l’homme moderne au pied d’une antenne de télécommunications, fragile pilier de notre monde moderne. Il est bon de préserver notre histoire rurale et pastorale compte tenu des temps troublés qui nous attendent ; ils seront précieux à notre survie.
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Après cette balade, je vous invite à aller sur mon blog musical
Canta-la-Vida
pour écouter ma chanson " Cours Emilie ! "
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Texte & Photos* Ulysse
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