Balade à travers le temps à Millau
Avant la construction du magnifique viaduc qui la surplombe, la ville de Millau était surtout connue pour ses embouteillages estivaux lors des migrations des nordistes vers la Méditerranée. On mettait tellement de temps à la traverser que nul n’avait envie de s’y arrêter. Aujourd’hui le viaduc, dont on pensait qu’il allait aggraver ce désintérêt, est devenue la raison d’un engouement touristique et, de fait, nombreuses sont les raisons, outre la découverte du viaduc, de visiter cette pittoresque cité.
La plus originale et courageuse façon de la découvrir est de se procurer un parapente et de grimper sur le Pouncho d’Agast qui la surplombe du haut de ses 840m à l’Est pour s’y lancer.
Au départ, vous jouissez d’une magnifique vue sur la vallée de la Dourbie et le causse du Larzac qui s’étend vers le sud.
Puis un virage vous permet de découvrir le Tarn - dans lequel se jette la Dourbie - et la ville de Millau dont les vieux quartiers s’étendent sur la rive droite.
Mais avant d’y descendre par un moyen moins sportif (notre voiture) poursuivons notre exploration du Pouncho d’Agast qui recèle quelques pépites du passé. Commençons par la visite de la ferme du Cade, petite merveille caussenarde dont la première mention apparaît en 1281 lors d’un don à une organisation de bienfaisance, les Charités de St Marc, dont les produits agricoles étaient distribués aux pauvres. Au cours des siècles elle a changé de nombreuses fois de propriétaires et son nom actuel lui vient des cades (espèce de genévrier produisant l’huile de cade) qui prospèrent sur le causse noir où elle est installée. Les bâtiments actuels dateraient du XVIIIème siècle.
A quelques kilomètres de là, nous partons à la découverte du hameau des Longuiers, nom qui se prononce: long-gui-erse dont les habitations sont typiques du style caussenard, maisons élevées sur 2 voûtes, petites fenêtres pour se protéger des rudesses du climat, petits enclos de pierre pour les potagers, départ de draille (sentier bordé de murets de pierre pour favoriser la conduite des troupeaux)…
Des fondations au toit tout est édifié avec les pierres trouvées dans les champs ou taillées dans le calcaire du lieu. Les plus riches demeures possèdent un pigeonnier dont, rappelons le, la possession était autrefois réservée aux nobles!
Les nouveaux propriétaires des lieux ont respecté les traditions architecturales et on n’y décèle aucune fausse note et, notamment, on n’y voit pas la trace d’un de ces hideux parpaings bruts qui défigurent tant de villages de l’Hérault ! Honte à leurs adorateurs!
Même les portes d’origine sont encore en place et il est vrai qu’il est sans doute préférable de ne pas les ouvrir.
A cette période de l’année (fin avril) la nature caussenarde est une splendeur, les lieux sont déserts et le dépaysement est total.
Mais il est temps de redescendre vers Millau pour aller se sustenter au délicieux « O Resto » qui sert des plats généreux et succulents à base de produits du terroir.
Nous faisons ensuite une promenade digestive en ville qui possède un riche patrimoine monumental dont des halles inspirées par celles de Baltard à Paris.
Les produits du terroir y sont exposés notamment à base de cochons artisanaux de l’Aveyron bien meilleurs que les cochons industriels polluants bretons !
Nous débouchons sur l’agréable place Foch où il fait bon flâner ou boire un verre à l’ombre des platanes
Sur l’un de ses cotés s’y dresse l’élégant Hôtel particulier édifié au XVIIIème siècle par la famille Pégayrolles et qui abrite aujourd’hui le Musée de Millau et des Grands Causses. Il possède d’intéressantes collections de paléontologie, d’antiquités gallo-romaines, de mégisserie et de ganterie, témoins du riche passé de la ville et de la région.
On y voit reconstitué un ancien atelier de fabrique de gants qui ont fait la réputation de Millau. Dès le XIIème siècle, des textes mentionnent l’existence de mégissiers travaillant la peau d’agneau liée à la production du Roquefort tout proche et aux besoins importants en lait de brebis. L’abondance du cheptel, la qualité inégalable de la peau d’agneau et la présence d’une rivière (industrie du cuir grande consommatrice en eau), vont propulser Millau sur sa destinée gantière. La ganterie se développe grâce à de nouvelles machines qui permettent de découper les peaux plus vite: la mode du gant est lancée! L’industrie gantière connait son apogée entre les 2 guerres, Millau devient « Capitale mondiale de la Peau et du Gant »
Millau a aussi un riche passé antique car sur la rive gauche du Tarn s’étend le site de la Gaufresenque (anciennement Condatomagus), cité gallo romaine de potiers dont les produits s’exportèrent dans tout l’empire.
Les poteries étaient des «Terra sigilata » (terre sigillée) ainsi nommées par les archéologues car elles étaient décorées de poinçons (sigilla). La majorité de ces vases ayant une pâte fine à engobe rouge, la "sigillée" désigne désormais la "céramique romaine fine à vernis rouge». Ce sont les étrusques qui ont les premiers développé ce type de poteries puis des artisans de Campanie de Pouzzoles et d’Arezzo avant qu’elle ne soit diffusée en Gaule.
Gaufresenque comportait près de cinq cent potiers connus et identifiés; une cinquantaine de fours; une capacité des fours à cuire de dix mille à quarante mille vases en une seule fournée. L’ activité s'est maintenue fortement pendant près de cent cinquante ans et on estime à six cent millions de vases la production de la Graufesenque! Cette structure artisanale bien organisée assurait une production de masse dont on retrouve aujourd'hui les débris dans les plus lointaines contrées de l'ancien Empire Romain. La poterie de Millau, dite de la Graufesenque, sert aujourd'hui de "marqueur" indélébile à la datation de très nombreux sites archéologiques. La connaissance fine de la production du site, sur la base de la typologie des céramiques, l'évolution technique de la production et du décor donne au lieu un renom exceptionnel dans le monde de la recherche archéologique. On voit ici la réplique du type de four qui était utilisé où l’on cuisait ensemble les productions de plusieurs potiers.
Sur des plaques d’argile les propriétaires de fours enregistraient les productions de divers potiers.
De même qu’ils notaient les travaux effectués par leurs esclaves
Les poteries les plus raffinés étaient d’une grande élégance.
Mais il y avait aussi des ratages car la maîtrise de la cuisson était tout un art !
C’est un site à ne pas manquer situé dans un superbe environnement et dont l’entrée est gratuite. Je vous recommande de visiter au préalable le musée de Millau et des grands Causses où est exposée une superbe collection de vases et d’oeuvres de l’atelier de Gaufresenque.
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Je vous invite à écouter ma chanson
Ado blues
Sur mon blog Canta-la-Vida
(lien dans la barre de titre)
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(Decitre.fr, FNAC...)
TEXTE & PHOTOS ULYSSE
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