Cap vers la côte Atlantique – 3 – l’île Madame
Aujourd’hui nous avons prévu de visiter l’île Madame située au large de Port des Barques, modeste hameau à la pointe d’une presqu’île qui vous donne le sentiment d’être au bout du monde. On accède à l’île à marée basse en voiture ou à pieds par un tombolo, la Passe-aux-Bœufs, cordon sédimentaire d’un kilomètre de long qui la relie au continent. Pour l’heure, la marée baisse mais le tombolo est encore sous les eaux et on devine son tracé au vu de l’ourlet d’écume que son relief provoque à la surface des eaux qui refluent.
NB: En cliquant sur les photos, vous pouvez les agrandir.
En attendant que le tombolo soit dégagé, avec mes amis, dont mon inséparable compagnon d’aventure Gibus, nous allons prendre un « apéro cochon » au bar de l’Embarcadère à Port de Barques. Bon je plaisante bien sûr car il est environ 9H30 du matin et c’est plutôt l’heure du café. L’apéro viendra plus tard !
Le tombolo est enfin accessible et les visiteurs entreprennent la traversée au milieu d’un vaste estran* encore inondé où la vue s’étend à perte de vue.
* zone intertidale entre les lignes extrêmes des marées haute et basse.
Nous nous engageons à notre tour d’un pas alerte, heureux marcheurs en route pour le paradis, à l’image des hébreux traversant la mer Rouge vers la Terre Promise.
Les nuages se mirent paresseusement dans les eaux calmes de l’océan qui ne s’est pas encore complètement retiré.
Nous arrivons à la pointe sud de l’île qui s’étire sur une longueur de 800 m et sur une largeur de 400 m, ce qui permet d’en faire rapidement le tour. Elle est bordée de nombreuses pêcheries, ces baraques sur pilotis que les gens dénomment aussi « carrelets », du nom du filet de pêche qui est accroché à leur extrémité.
L’île tiendrait son nom de l'abbesse de l’Abbaye toute proche «Aux Dames de Saintes », qui portait le titre de « Madame de Saintes ». Elle s'est aussi appelée l'île de la Garenne, à cause de l'abondance des lapins qui ont été longtemps ses seuls habitants. Les nombreuses "pêcheries" qui ornent ses rivages contribuent à son charme, par leur silhouette de grands échassiers et leurs couleurs vives. Ce petit paradis a connu cependant deux épisodes tragiques : le premier pendant la révolution française quand 254 prêtres réfractaires à la révolution y moururent de maladie et de faim et y furent enterrés et le second, lors de la Commune, quand des communards y furent déportés. Pour s'approvisionner en eau douce, ils creusèrent au nord de l'île un puits, appelé depuis puits des Fédérés ou puits des Insurgés, que l’on peut voir encore aujourd’hui.
Mais tournons ces sinistres pages de son histoire pour partir à la découverte de ses rivages sauvages ornés de pêcheries aux vives couleurs.
Quel bonheur de longer ces rivages sauvages au rythme de la marche sans aucune autre sollicitation sensorielle que le clapotis des vaguelettes, l'odeur iodée de la mer, la dérive nonchalante des nuages. Ici parmi mes amis, pas d'yeux et de pouces rivés sur des smartphones que l'on devrait plutôt nommés "addict-phones", pas d'impatience à lire des messages sans importance ni véritable urgence. Nous devisons "à l'ancienne" entre nous en osmose totale avec l'environnement, heureux de partager ensemble ce bain de nature entrelacé d'amitié.
Et nous admirons au passage ces "grands échassiers " de bois qui scrutent immobiles et silencieux l'immensité océane. Nous sommes loin du royaume de GAFA et des marchands de verroteries qui oeuvrent pour capter notre temps de cerveau disponible et dont le dernier gadget, l'enceinte qui vous parle, va enfermer l'humanité dans des soliloques narcissiques et névrotiques.
On aimerait avoir la clé de ce cabanon rouge pour pouvoir s'y poser quelques jours avec une compagne ou un compagnon pour lire, rêver, s'aimer, gratter la guitare, chanter et boire à la santé de la Terre et de l'océan auquel nous infligeons tant d'infamies.
Plus que le Taj Mahal, tombeau prétentieux et mégalomane, me plaisent ces modestes édicules qui se dressent sur leur pattes graciles et défient les colères de l'océan.
Dans cette île qui était déserte, un couple, Elisabeth et Jean Pierre, s’est établi en 1980 pour créer une ferme aquacole. L’île comportait alors une grande lagune qu’ils ont transformée pour créer un marais salant et développer l’élevage de moutons en prés-salés, de crevettes impériales, de palourdes, d’huitres de claires (bassins alimentés par l’eau de mer) nourries de façon naturelle par le phytoplancton de l’océan. Ils ont aussi développé la culture de salicorne et diverses autres productions en agriculture biologique.
On peut voir sur ce plan le résultat de leur travaux titanesques qui ont été durement affectés par la tempête Xynthia en mars 2010, ce qui ne les a pas découragés dans leur entreprise. Je suis admiratif de ces gens qui mettent en oeuvre, contre vents et marées, une passion qui sert au bien être de tous dans le respect des rythmes et des contraintes naturelles et contribuent ainsi à la sauvegarde de l'environnement.
Nous nous posons pour un couple d’heures à l’idyllique restaurant créé par ce couple où l’on peut déguster l’ensemble de leurs productions. On peut également les acheter dans une boutique attenante.
Si vous vous rendez dans cette île, il faut impérativement effectuer la visite guidée de l’exploitation sous la direction de Jean Pierre ou de son fils. On en ressort incollable sur l’élevage des huitres, des palourdes,des crevettes impériales ...
Ainsi que sur la récolte du sel.
Vous verrez ainsi comment l’on récolte la fleur de sel qui affleure à la surface de l’eau.
Ainsi que le gros sel qu’il faut ratisser chaque jour.
Par contre, si vous visitez l’île, il faut prêter attention à l’heure de la marée montante pour ne pas y être piégé car elle ne comporte aucun hébergement, hormis des terriers de lapin ! Pour notre part, ce n’est pas la crainte d’une nuit à la belle étoile, mais le souci de ne pas rater un apéritif qui nous fait prendre le chemin du retour, alors que l’océan a commencé à remonter.
Parvenus sur le continent, nous regardons les passants retardataires qui empruntent le tombolo cerné par les eaux. Peu de temps après que nous y soyons allés, la presse a relaté la mésaventure d’un automobiliste qui a failli s’y noyer. Il a dû être hélitreuillé en abandonnant sa voiture . Faillir perdre la vie en rendant visite à une « madame », c’est plutôt romantique !
Pour notre part, nous sommes sains et saufs, et je vous donne rendez vous dans quelques jours pour d’autres horizons.
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Après cette balade maritime, je vous invite à aller sur mon blog musical
Canta-la-Vida
pour écouter ma dernière chanson satirique "T'es trader"
(lien direct dans la barre de navigation de l'en tête de ce blog)
Texte & Photos* Ulysse
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