Eldorad-Oc

Vieillir, c’est devoir renoncer à beaucoup de choses et il est vrai qu’il devient moins facile de courir le guilledou et de faire des galipettes! Mais il y a une chose à laquelle mes vieux copains et moi ne renonçons pas malgré nos septante et quelques années, c’est de courir les montagnes! Enfin quand je dis «courir» je devrais plutôt dire parcourir car notre vitesse de déplacement se rapproche plus de celle de la tortue que du lièvre, mais tout le monde connait la fable de la Fontaine et sait qui gagne à la fin! Car malgré le cliquetis de nos articulations de plus en plus récalcitrantes, nous arrivons toujours à bon port !

En outre, le mauvais temps n’est pas une raison valable pour nous dissuader de sortir. Nombreuses dans la vie sont les raisons que l’on trouve pour ne pas faire les choses qui demandent un effort et que l’on s’est pourtant promis de faire. C’est en y cédant que l’on finit par devenir un zombie de canapé qui regarde les feux de l’amour en buvant des canettes de bière. Nous les canettes, on les boit après avoir crapahuté toute la journée dans la montagne!

Cette belle et émouvante ruine d’un sécadou (séchoir à châtaignes) témoigne d’un temps où la plupart des humains (du moins ceux qui n’étaient pas nobles ou religieux) menaient une vie d’efforts et de sacrifices. Nous avons conscience de la chance que nous avons de vivre à cette époque, en ce pays, où nous pouvons parcourir les montagnes pour notre bonheur et non pas pour notre survie! 

Somptueuse est la montagne par ce temps maussade qui drape les sommets d’écharpes de nuages.

Par moments un rai de lumière les transperce qui illumine le paysage, lui conférant un aspect irréel.

On se plait à imaginer que, les nuages les dissimulant aux yeux des humains, les divinités de la montagne se livrent  sur les sommets à des danses et, sans doute, des bacchanales effrénées, alors que nous, mortels randonneurs, nous ahanons sous le poids de nos sacs à dos. 

Cheminer en montagne, c’est évoluer dans une échelle  de temps quasi infinie où notre vie n’apparaît que comme un épisode transitoire entre deux valses d’atomes. 

Quand le chemin grimpe, que nos muscles se tendent, que notre coeur bat la chamade alors notre sentiment d’exister atteint sa plénitude. Quel est donc ce mystérieux principe énergétique qui a mis en marche et actionne cette pompe vitale ? 

Nous arrivons aux ruines de l’ancien hameau de Caissenols nichées au bord du torrent  Casselouvre et qui, pour moi, sont aussi belles que celles des temples mayas perdues dans la jungle des Chiapas. Je suis toujours ému à la vue de ces habitations abandonnées que l’on trouve dans les coins sauvages de mon pays. 

Elles m’ont inspiré une chanson que je vous invite à écouter sur mon blog Canta-la-Vida (ou des photos illustrent les paroles) ou à écouter  avec le podcast ci-dessous et dont je vous livre les premiers couplets :

Dans un vallon sauvage,

Tout au bord d’un torrent,

Caché par l’ombrage, 

De châtaigniers vaillants,

Gît un hameau désert,

Aux toitures béantes,

Construit de grosses pierres, 

Où le lierre serpente.

Où sont les hommes qui l’ont édifié? 

Où sont les femmes qui les ont aimés?

J’entends leurs voix dans le chant du vent,

J’entends battre leur coeur dans le chant du torrent.

Grâce à l’action d’une association fondée par l’un des descendants de ceux qui vivaient ici jusqu’au début du 20ème siècle (que je remercie vivement) l’une des habitations a été restaurée et sert de refuge où l’on peut faire un feu et dormir. Avec mes amis nous y avons passé en 2018 une nuit de la Saint Jean mémorable avec la dégustation d’une fondue préparée par maître Gibus.

Avec un bon feu dans la cheminée, nous voilà revenus 400.000 ans* en arrière. Cette invention décisive a permis à l’homme de mieux lutter contre les animaux sauvages, cuire les aliments et vaincre ainsi les parasitoses, forger des armes métalliques et partir à la conquête de contrées plus froides. Pour notre part nous y faisons cuire des saucisses de Strasbourg et des merguez, symbole éminent de la mondialisation de l’humanité. Que de chemin parcouru par ce fragile bipède !

*c’est la période du plus vieux feu entretenu de l’humanité que l’on ait trouvée

Quand nous prenons le chemin du retour, le temps est toujours maussade mais les nuages respectueux de notre détermination se gardent de nous arroser. Il faut dire que nous avons bu  à la santé de Bacchus qui a du intervenir auprès de Jupiter, dieu de la pluie, pour qu’il nous épargne. A celles et ceux qui pensent que je déraisonne et considèrent que ces dieux sont de pures inventions humaines, je réponds que personne non plus n’a jamais vu ni Dieu ni Allah et pourtant des centaines de millions de gens y croient !

Nous passons près d’un magnifique houx dont les rameaux ornés de graines rouges sont très prisées pour les décorations de Noël. La légende chrétienne dit que pourchassés par les soldats d’Hérode, Joseph, Marie et Jésus trouvèrent refuge derrière un houx. À l’approche d’un soldat, la plante étendit ses branches pour les cacher. Marie aurait alors béni le houx en lui conférant la capacité à rester vert toute l’année. Ayant ouï cette histoire ne souriez pas quand je vous dis que je crois en l'existence de Bacchus !

Nous nous apprêtons à franchir le portail de Roquandouire pour aller gravir la Serre de More ce qui va perturber quelque peu l’assimilation des saucisses par nos estomacs. Il est toujours déconseiller de grimper après un bon déjeuner «arrosé» car l’organisme humain - surtout quand il est vieillissant -  peine à faire deux choses à la fois.

Mais nous ne manquons pas de détermination et la beauté sauvage des lieux nous dédommage du surcroît d’efforts que nous imposons à nos organismes.

Pouvoir contempler cet océan de monts recouverts d’un patchwork multicolore de végétations est l’un des grands plaisirs de mon existence et j’avoue appréhender le moment où j’en serai privé.

Plus grand d’ailleurs est mon bonheur de pouvoir le partager avec de vieux amis animés de la même passion. 

A raison d’une vingtaine de kilomètres par semaine depuis un peu moins de vingt ans que nous randonnons ensemble, nous avons fait un demi tour de Terre! Tout ce que j’espère c’est de  pouvoir finir le tour avant que le grand Manitou ne nous pique nos grolles de randonnée!

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Je vous invite à écouter ma chanson 

Il y a mille chemins....

Sur mon blog Canta-la-Vida

(lien dans la barre de titre)

Mon ami Gibus vient de publier son troisième roman que vous pouvez commander dans toutes les bonnes librairies

(Decitre.fr, FNAC...)

TEXTE & PHOTOS ULYSSE