Eldorad-Oc

Jusqu’à présent la météo nous a été favorable et nous a gratifiés de journées ensoleillées, mais ce matin il en va tout autrement : une tempête de neige sévit sur le Queyras ! Mais nous n’avons pas le choix, il nous faut malgré tout partir en randonnée si l’on veut éliminer les calories accumulées la veille au soir lors du délicieux et pantagruélique repas servi à notre auberge de la Vie Sauvage (une adresse que je vous recommande chaudement) et faire de la place pour le suivant ! C’est aussi l’occasion de rendre hommage à l’écossais Sir James Dewar qui inventa en 1893 le concept de la bouteille isotherme – si précieuse aux montagnards en ces jours d’intempéries - que la société allemande Thermos se dépêcha de lui piquer en développant un brevet. Depuis par antonomase on désigne tout récipient de ce type par le nom de «thermos» ! Un vrai montagnard emporte toujours avec soi un Thermos et porte un Damart ! (avis sincère et désintéressé).

L’importante couche de poudreuse masque les irrégularités du terrain qui, par endroits, nous réservent de véritables chausse-trappes dans lesquelles on risque de sombrer.

Fort heureusement notre guide François connaît la région comme sa poche et nous guide en toute sécurité à travers la forêt qui s’étend alentour.

La neige redouble accompagnée d’un blizzard qui abaisse rapidement la température ressentie, nous obligeant à fermer soigneusement nos écoutilles. François imperturbable garde le cap, sa capacité à trouver le bon chemin dans un environnement aussi hostile suscitant notre admiration.

Les arbres, qui nous rendent par ailleurs tant de services, atténuent l’effet cinglant du blizzard qui souffle.

Mais dès que nous abordons des espaces ouverts, nous affrontons de plein fouet les éléments. Si nous n’étions pas en mouvement, nous serions transformés en quelques instants en bonhommes de neige.

Nous longeons un torrent et devons prendre garde à l’endroit où nous posons les pieds  car personne jusqu’à présent n’a réussi à imiter Jésus et à marcher sur l’eau qui, ici, est bien plus froide que celle de la mer en Palestine !

L’eau est une merveilleuse matière qui peut être fluide et transparente, neige, glace ou nuage. Sans elle la vie ne serait pas possible sur Terre et elle constitue le principal ingrédient du vin. Donc inutile de mettre de l’eau dans votre vin, la nature y pourvoit déjà !

La neige confère au monde un aspect magique, irréel, les arbres perdent leur densité et leur identité, réduits à un foisonnement d’arabesques noires et blanches, immense toile d’araignée qui menace de nous engloutir.

Nous progressons en silence, le sentiment de notre existence amplifié par l’onglée qui pince les doigts, le blizzard qui glace nos joues et gerce nos lèvres, mais aussi par cette exaltante lutte contre les éléments qui procure un sentiment de bonheur indicible : nous nous sentons pleinement vivants ! Enfin pour le moment !

Nous parvenons en vue d’un ancien hameau dont les ruines d’anciennes maisons émergent de la neige.

Nous faisons notre pause « café » (merci James !) auprès d’une ancienne ferme qui résiste encore vaillamment aux éléments et nous protège du vent. Mais ses fenêtres béantes et ses toitures en partie emportées augurent mal de son avenir. Ainsi disparaît toute chose dans le maelström du temps y compris nos dents et nos plus audacieux édifices qui n’y survivront pas. Seul le vin se bonifie en vieillissant !

Nous reprenons notre randonnée avec pour seul bruit le crissement ouaté de nos raquettes qui s’enfoncent dans la neige. Nous évoluons dans un décor qui incite au repliement sur soi. Avec une couette de nuages sur la tête et un tapis molletonné de neige fraîche sous les pieds, l’esprit s’engourdit et se laisse aller à des rêveries bercées par le balancement de la marche.

Nous arrivons en vue du but de notre balade : une imposante « demoiselle coiffée » que l’on devine à travers le blizzard avec son bonnet de neige. Quoi ! s’exclameront certains, une telle épreuve pour apercevoir cela ! Sauf qu’ils oublient que le bonheur est dans le pré même enneigé !

Puis c’est le retour. Notre guide François, avec une grande sollicitude, aide certains d’entre nous dont les gambettes sont un peu courtes à franchir le cours d’un torrent. Ce sera la seule difficulté technique de notre parcours. La raquette est un sport accessible à tous ceux qui aiment marcher et qui ne craignent pas les pentes, ni les intempéries. Il permet l’hiver d’accéder à de sublimes sites montagnards vierges de toute pollution humaine. 

Par contre, il ne faut jamais s’aventurer sans guide car le terrain recèle mille chausse-trappes que la neige dissimule. Ici la beauté peut être traitresse !

Le temps de rentrer à l’Auberge, la météo nous gratifie d’une éclaircie qui magnifie le paysage comme si le Grand Manitou voulait nous récompenser de notre courage.

Le soir le beau temps semble vouloir s’installer, le soleil couchant incendiant les derniers nuages. Je ne sais si c'est l'effet du vin chaud mais ils m'apparaissent plus roses que d'habitude !

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Oh! Marin !

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 Texte & Photos Ulysse