Du Liorel au vallon de l'Espaze
Aujourd’hui, nous partons de Camplong, modeste village situé sur le cours de l’Espaze qui prend sa source dans les monts d’Orb sur lesquels nous allons batifoler. Le soleil matinal peine à dissiper les brumes qui ont envahi, pendant le nuit, le vallon.
Dans ce vallon, nombreuses sont les ruines d’habitations. De fait, ce village, aujourd’hui endormi, a connu un passé plus actif grâce aux ressources offertes par l’agriculture et l’élevage complétés puis remplacés progressivement, depuis le XVIIIème siècle, par l'exploitation charbonnière qui a cessé en 1993. L'agriculture reposait sur une dominante castanéicole (500 hectares de châtaigniers "l'arbre à pain ») complétée par des prairies en fond de vallée, des vignes et des jardins pour les cultures vivrières. Liés à cette activité, il y eut jusqu’à 129 métiers: 40 agriculteurs, 7 tonneliers, 7 sabotiers, 9 cordonniers, 4 menuisiers, 15 fabricants de bas, 11 tisserands, 2 faiseurs de filets, 4 tailleurs d'habits, 6 marchands de mulets, 3 bouchers, 3 maçons, 2 serruriers, 1 maréchal-ferrant, 5 voituriers, 4 cloutiers, 150 mineurs. Ce qui fait qu’en cette époque bénie il n’y avait pas de chômage en ce pays, mais la vie n’était pas pour autant un jardin de roses !
Nous grimpons sur l’ubac, versant nord de la Caumette et les hêtres, qui se plaisent en ces lieux humides, ont encore leur aspect hivernal.
Sur les flancs rocheux du sentier, prospèrent les nombrils de Vénus, petite plante grasse dont on fait d’excellentes salades. En effet, le mucilage qu’elle contient rend la feuille croquante, rafraîchissante, juteuse et fondante, à l'instar de la chair de concombre. Mais attention mieux vaut la cueillir d’octobre en mai, jusqu’au début de la floraison, car ensuite les feuilles deviennent amères et âcres. D’un point de vue nutritionnel, le nombril de vénus est riche en oméga 3, en antioxydants, en tanins, en vitamine C et en minéraux (calcium, potassium, silicium et fer).
Au randonneur attentif, mille merveilles s’offrent à son regard comme ce jardin suspendu constitué de mini fougères accrochées sur un tapis de mousse qui recouvre une roche.
Les frondaisons dénudées des hêtres contrastent avec la chevelure de cèdres que l’on a implantés sur les flancs de la Garenne, en face, qui avaient été déboisés pour produire des étais pour les galeries des anciennes mines.
Après une longue montée tonique pour nos jambes et nos coeurs, nous parvenons au col de Serviès et sommes étonnés d’apercevoir quelques plaques de neige au bord du sentier et sur le mont Ubac en face. C’est la seule neige que nous verrons cet hiver et en sommes, à vrai dire, un peu frustrés.
Nous donnons un dernier coup de collier pour partir à l’assaut du Liourel.
Malgré sa modeste altitude (895m) il offre une vue jusqu’à la Méditerranée. Pouvoir embrasser un si vaste horizon vierge de toute présence humaine est un fortifiant pour l’âme.
Puis nous entamons tranquillement la descente vars la jasse d’Azin, abri forestier où nous avons passé de nombreux moments festifs dans le passé.
Ces modestes abris sont des machines à remonter le temps car l’on y passe quelques heures auprès d’une cheminée dans les conditions spartiates qu’ont connues les anciens qui vivaient dans des demeures semblables. Cette brève expérience nous incite à plus de frugalité dans notre mode de vie marqué par l’hyper consommation.
Puis nous poursuivons notre descente vers le vallon de l’Espaze par un sentier «oublié» qui nous conduit à une sportive séance de «bartassage ». On est étonné de découvrir en cet endroit sauvage une ancienne et magnifique habitation qui, comme votre serviteur, a subi les effets délétères du temps.
On ne peut qu’être admiratif du soin esthétique apporté à la construction dont feraient bien de s’inspirer les «parpaigneurs» contemporains qui défigurent nos villages.
Depuis longtemps plus aucun feu ne brûle dans ce four mais on en fermant les yeux on peut imaginer sentir la bonne odeur de pain y cuisant et entendre les voix de la maisonnée mettant la table pour le repas du soir venant clôturer une rude journée.
Nous parvenons au bord de l’Espaze dont le niveau nous rassure car près du littoral où nous vivons il n’a pas plu et les ruisseaux y sont à sec.
Mais ici, dans le Haut Languedoc, la pluviométrie est heureusement plus importante et permet d’alimenter les cours d’eaux qui descendent vers la plaine.
Traverser un torrent à gué est toujours un exercice délicat car les pierres sont glissantes et souvent instables.
Je suis toujours ému de voir un grand arbre abattu car il a été témoin de la vie de plusieurs générations d’humains.
En attendant ce sort funeste, ces jeunes successeurs se mirent avec bonheur dans l’eau du torrent.
Je vous invite à écouter ma chanson
Ta guitare manque à ma vie...
Sur mon blog Canta-laVida
(lien dans la barre de titre)
TEXTE & PHOTOS ULYSSE
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