En raquettes dans le Queyras : le belvédère du Mont Viso
Pour notre dernière randonnée, le soleil est de la partie, ce qui nous réjouit car nous avons prévu de nous rendre au belvédère du Viso. Cette plateforme, située à 2500mètres d’altitude, offre une vue majestueuse sur le plus haut sommet des Alpes du sud (3841m), magnifique pyramide de basalte qui marque la frontière entre la France et l’Italie et dont les glaciers donnent naissance au Pô, le plus long fleuve d’Italie. Certes, quelques nuages se vautrent encore dans les vallées, mais ils n’empêchent pas le soleil radieux d’illuminer les cimes environnantes.
Nous remontons la vallée du Guil pour nous rendre à l’Echalp, point de départ de notre randonnée. Là nous chaussons les raquettes et traversons le Guil, qui n’est encore à cet endroit qu’un modeste torrent. Son cours en aval est bien plus tumultueux, avant qu’il ne se jette dans la Durance à Mont-Dauphin.
Le vent qui souffle fort en altitude chasse la neige des sommets. Mais pour l’heure nous progressons sur le flanc sous le vent et sommes à l’abri de ses «caresses» glaciales !
Nous ne sommes pas les premiers à fouler la neige tombée ces derniers jours. Dans la nuit des animaux ont batifolé en quête de nourriture, dans un chassé croisé parfois fatal lorsqu’une proie croise le chemin de son prédateur.
Nous progressons à travers un bois de mélèzes qui nous abritent du vent bien qu’ils aient perdu leurs aiguilles. Chez les autres conifères la couche de cire permet aux aiguilles de résister au froid mais celle qui recouvre les aiguilles du mélèze n’y résiste pas. Cette particularité présente un avantage car les aiguilles de ce conifère sont bénéfiques au sol et favorisent la pousse et la croissance d'autres arbres comme l'épicéa. En plus d'être un bel arbre, le mélèze est solidaire, prenons en de la graine.
Il n’y a rien de plus tonique, de plus revigorant, que de traverser ces champs de neige immaculés qui transforment la terre en une magnifique mariée que courtise le soleil.
La neige n’est pas un milieu aussi hostile que l’on pourrait croire. Elle protège la végétation du gel et sert de cocon protecteur aux jeunes arbustes.
La pente se fait plus rude et nos ombres qui ont du mal à suivre restent à la traine.
Nous passons près d’un mélèze dont le tronc est incrusté de petites pommes dont on se demande bien comment elles ont pu arriver là. François nous explique que c’est le Pic Epeiche qui les coince dans les anfractuosités de l’écorce de l’arbre pour pouvoir en extirper les graines, car cet oiseau, comme la plupart des pics, ne peut se nourrir qu’en position verticale.
Un écureuil, animal pourtant d’ordinaire farouche, ne semble pas s’alarmer de notre présence. Peut être est-il trop absorbé à tenter de retrouver de la nourriture qu’il a cachée à l’automne passé.
Soudain, notre guide François fait une halte et nous montre sur la pente en face de nous, à une cinquantaine de mètres, un chamois qui semble en alerte. Sans doute nous a-t-il entendu et s’inquiète de savoir s’il y a danger.
Il est heureux qu’en ces contrées le monde animal puisse vaquer librement et jouer sa partition sauvage dans la symphonie du monde, à l’abri des « nemrods » ventripotents qui peuvent à distance d’un coup de fusil mettre fin à leur existence pour satisfaire leur ego mortifère. C’est ainsi que nous devrions vivre avec les animaux : se contenter de les admirer lors de brèves rencontres respectueuses de leur mode de vie, la Terre étant notre berceau commun.
Nous devons traverser un couloir ou le vent descendu des cimes s’engouffre et s’ingénie à introduire de la neige dans le moindre de nos interstices ! Nous courbons l’échine et filons nous mettre à l’abri des mélèzes.
Quand nous parvenons dans une vaste clairière le vent s’est heureusement calmé. Nous progressons sans mot dire, respectueux du silence qui règne en ces lieux, silence que ne trouble que le crissement ouaté de nos raquettes sur la neige. Ce silence extérieur s’infiltre dans nos consciences et fait taire le babil de nos pensées. Nous sommes alors en prise directe avec le courant de la vie qui nous mène de la rive qui nous voit naître à celle qui nous voit mourir. Entre les deux, nous attendons avec impatience le moment du pique-nique car nous commençons à avoir la « dalle » !
Nous arrivons sur la plateforme qui offre un belvédère exceptionnel sur la vallée du Guil que domine le mont Viso. La prudence s’impose car la plateforme est étroite et idéale pour les amateurs de parapente….sauf que nous n’en avons pas !
François choisit néanmoins d’en faire notre « salle à manger ».
Juste en dessous de nous, sur un promontoire de la falaise se tient, placide, un bouquetin qui lui n’a nul besoin de parapente pour évoluer en ces lieux. Ayant pris conscience de notre présence mais nullement effrayé, il tourne la tête vers nous et semble nous dire « Il est beau mon pays, n'est ce pas ! ». Et mentalement nous lui répondons en chœur « Oui, il est vraiment beau l’ami ton pays ! ».
Sur notre droite, la crête de la Taillante (3197m) l’un des plus beaux sommets des Alpes du Sud se dresse au dessus de nous. Le vent qui souffle en altitude l’entoure d’une nuée de poudreuse.
Après le pique-nique la remise en route est facilitée par une descente.
Nous abordons une clairière qui offre aujourd’hui une vue exceptionnelle sur le mont Viso habituellement enveloppé de nuages venus de la plaine du Pô, que sa stature arrête. Vêtu de blanc, cet italien a vraiment de l’allure !
Nous sommes témoins d’une scène rarissime et touchante car la montagne nous dévoile le cœur de l’hiver, dissimulé dans l’un des replis du manteau neigeux. Quand ce coeur cessera de battre, nous aurons du souci à nous faire !
Nous passons près du chalet de Médilles, idyllique lieu d’alpage. On se dit qu’il vaut mieux naître mouton ou vache dans le Queyras qu’humain dans certains pays où règnent des tyrans sanguinaires qui bombardent leurs peuples pour sauver leur trône.
Puis nous redescendons vers le Guil dont les eaux déjà dans l’ombre s’illuminent du reflet des pentes enneigées environnantes.
Ainsi se termine notre séjour dans le Queyras, montagne magique épargnée par la folie des hommes, arche de Noé au milieu des Alpes ! Et lieu idéal pour déguster une raclette et boire du vin chaud entre amis au chalet de la Vie Sauvage gérée de façon chaleureuse et efficace par Claudine et Marc !
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Texte & Photos Ulysse
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