Les Carols par la grotte de la Baoumasse et le rocher du Lion
Avant de vous relater la suite de mon périple autour de Brive la Gaillarde, je vous propose un nouvel interlude sportif. Depuis près de vingt cinq ans que j’arpente - de moins en moins vite - les sentiers de ma région, deux sites m’ont procuré mes plus belles émotions: le Caroux et le Larzac. Le poids croissant des ans sur mes articulations fait que mes pas me mènent de plus en plus souvent vers ce dernier où les sentiers sont un peu moins «sportifs» mais traversent néanmoins une étonnante variété de paysages. Rappelons que ce causse fut le lieu d’un combat fraternel et exemplaire dans les années soixante dix du siècle dernier mené par les paysans qui y vivent pour empêcher qu’il ne se transforme en un vaste camp militaire. Je leur adresse un grand merci, eux dont la lutte nous permet d’arpenter aujourd’hui cette terre rude et sauvage où souffle un vent de liberté. Bien que ce lieu connaisse une très faible densité démographique, les témoignages discrets d’une présence humaine millénaire y sont visibles tels les mégalithes et anciennes jasses* que l’on voit ici et là ou ces «clapas», tas de pierres nés de l’épierrement des champs par les anciens pour y cultiver des céréales ou y faire paître leurs ovins. Saluons au passage leur courage !
* bergerie
Nous partons du village de Lapanousse de Cernon et cheminons sur un plateau à environ 700 mètres d’altitude d’où l’on découvre, nimbés par la brume, les plateaux et puechs* recouverts d’un manteau forestier qui dominent l’autre rive du Cernon, modeste rivière qui alimente le Tarn.
* mont, colline en occitan
Nous descendons dans un vallon humide et pénétrons alors dans une forêt à l’ambiance quasi tropicale bien que l’on n’y entende ni piaillements de singes ni criaillements de perroquets, mais avec le réchauffement climatique cela ne saurait tarder !
Ici, les arbres se parent d’habits de mousse qui les protègent de la chaleur estivale comme des frimas hivernaux.
Après une bonne grimpette, nous arrivons à la grotte dite de la Baoumasse, et aussi des Maquisards, qui servait au XVIIème siècle de bergerie d’estive.
On peut penser que nos lointains ancêtres de la préhistoire s’y sont abrités bien qu’aucune information sur ce point ne soit disponible.
Elle arbore une belle draperie de pierre créée par l’écoulement des eaux et dont le développement a du prendre quelques centaines de milliers d’années.
Ce n’est qu’une peccadille par rapport au temps qu’il a fallut aux éléments pour creuser la grotte! A cette échelle, une vie humaine ne dure que le temps d’un soupir! Mais mieux vaut qu’il s’agisse d’un soupir de plaisir que de dépit.
Parvenus sur le plateau de la Devèze, nous cheminons à plus de 800mètres dans un environnement sauvage aux horizons infinis. En ce moment même des centaines de milliers de touristes jouent les merguez sur les plages du littoral, ignorant l’extraordinaire dépaysement dont on peut jouir à un peu plus d’une heure de route de la Grande Bleue.
A une époque où le surtourisme gâche le plaisir de découverte de nombreux lieux pittoresques, c’est un privilège de pouvoir cheminer seul dans un environnement sauvage .
Certes, ce n’est pas le Machu Pichu, le Taj Mahal, les temples d’Angkor, Samarcande ou d’autres lieux mythiques, mais évoluer dans ce manteau de buis et ce tapis de savanes où émergent ici et là les os pierreux de la Terre procurent le sentiment d’insérer un instant notre existence dans l’histoire de notre planète. Notre vie est enclose, pour quelques heures, dans une parenthèse d’éternité loins des soucis et des servitudes de la vie quotidienne.
Cheminer ainsi renoue le lien ancestral que les humains ont tissé pendant des milliers de générations avec la nature. Ils passaient leurs vies à marcher en quête de nourriture et d’abris, ramassant ici et là un bout de bois ou une pierre pour s’en faire une arme où un outil et la Terre était pour eux une déesse pourvoyant à leur subsistance.
Nous arrivons au rocher de Fabre dit aussi du Lion car il évoquerait un lion accroupi face à un rat. J’avoue malgré la paréidolie aigüe dont je suis atteint ne pas y avoir vu ces personnages.
Mais j’ai quand même aperçu la gueule d’un lion au pied dudit rocher et je soumets ma perception à votre verdict. Le voyez vous aussi ?
Mais l’intérêt principal du lieu est dans le panorama qu’il offre à 360 °.
On a l’impression de voir jusqu’au bout de la Terre ce qui nous ferait presque croire qu’elle est plate. C’est ainsi que nos sens nous trompent et nous font prendre parfois des vessies pour des lanternes.
Après avoir fait de ce lieu notre salle à manger du jour, nous prenons le chemin du retour en direction du Causse Vieil.
Nous abordons une zone pierreuse que l’érosion a orné de sculptures.
Leurs formes erratiques et parfois improbables m’étonnent toujours. Quels facteurs et phénomènes sont à l’œuvre pour créer cet étonnant empilement de rochers?
Après être passé au sommet des Carols (ou de la Ségalasse) (890M) nous suivons le sentier dit du Pas (col) de la Selle emprunté par des dizaines de milliers d’humains au cours des âges. Les restes d'un petit sanctuaire rectangulaire témoignent de l’importance historique de ce passage permettant de relier deux vallées. Il était destiné à accueillir les voyageurs et les pèlerins qui franchissaient le col. Des offrandes y étaient offertes aux dieux pour les remercier d'avoir pu le franchir.
Ayant vidé nos sacs au pique nique nous ne pouvons, pour notre passage, rien offrir aux dieux en matière d’aliment solide et liquide. Restent nos chaussettes mais nous nous abstenons de leur en faire don vu leur état de fermentation avancée.
Puis le sentier descend sur le flanc Est des Carols dans un canyon rocheux où quelques arbres peinent à apporter une ombre qui serait bienvenue.
Notre virée dans un paysage inchangé depuis des millénaires où la présence humaine se limite au fil précaire d’un sentier nous a transporté hors du temps, parenthèse de vie intense au sein d’une nature majestueuse.
Nous voici de retour à Lapanousse de Cernon où ne bouderons pas pour autant notre plaisir de jouir d’un des bienfaits de la civilisation: une langoureuse embrassade avec deux blondes mousseuses gardées au frais dans le coffre de notre monture !
Je vous invite à écouter ma chanson
"Café câlin "
sur mon blog Canta-la-Vida
(lien dans la barre de titre)
TEXTE & PHOTOS ULYSSE
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