Eldorad-Oc

Après une randonnée dans le massif du Caroux nous emmenons les petits loups en virée dans les Pyrénées Orientales. Notre première visite est consacrée aux Orgues d’Ille sur Têt, étonnant site géologique né de l’érosion.

Outre sa situation dans un lieu sauvage qui offre une vue majestueuse sur le massif du Canigou, plus haut sommet des P.O et montagne emblématique des catalans, ce site impressionne par la dimension et la diversité de ses concrétions érodées qui prennent la forme de cheminées de fées ou d’immenses orgues.

Il a fallu quatre millions d’années au vent, à la pluie, au gel et au soleil, ces infatigables sculpteurs, pour créer ce décor grandiose, petit frère du célèbre site de Brice canyon aux USA, mais qui ne nécessite pas de prendre l’avion pour y aller. Il est en outre infiniment moins fréquenté, ce qui permet d’en apprécier la beauté sauvage pleinement et en toute tranquillité. Et puis l’accent catalan est à l’oreille plus agréable que le « chewing-gummé » accent yankee.

Pour les petits loups, c’est une leçon de sciences naturelles « in situ »  qui leur fait prendre conscience de l’échelle de temps géologique, eux dont l’âge dépasse de quelques unités la dizaine d’années. Certes, en me voyant ils avaient déjà constaté l’effet délétère du temps qui passe, mais ici ses manifestations sont plus réjouissantes et spectaculaires !

Certains des reliefs ressemblent à des temples et des cathédrales en ruine qui, comme les œuvres humaines, finiront par être complètement dissoutes par le temps et l’érosion. Pour l’homme mille ans est une éternité, mais pour la nature ce n’est qu’un bref instant.

Quelques arbres ont colonisé le sommet de ces concrétions dont l’espérance de vie est limitée vu la nature des sols, aussi peu propice à la vie végétale que mon crane à la vie capillaire !

Au site, on a donné le nom d’orgues, mais j’y vois plutôt une vaste assemblée de pénitents encapuchonnés, comme ceux qui défilent dans les processions religieuses espagnoles.

C’est un terrain idéal pour jouer à cache-cache, mais les petits loups ont passé l’âge de ce genre de divertissement, qui au demeurant n’intéressent pas les ados d'aujourd'hui qui préfèrent leurs manettes de jeux vidéo "mortifères". Un gamin de seize ans vient ainsi de gagner trois millions de dollars en gagnant la finale du jeu video « fortnite* » devant 20 millions de fans décervelés, il doit passer ses nuits et ses jours à s’entrainer, attestant comme l’écrit Bruno Patino que nous sommes devenus la civilisation du « Poisson rouge ».

* le thème du jeu repose sur cent personnes lâchées dans un environnement où elles s’entretuent jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un survivant, qui est le gagnant : merveilleuse philosophie !

D’ailleurs où en sera notre monde quand ces monuments naturels auront été réduits en poussière ? Aurons nous perdu nos jambes qui ne serviront plus à rien et aurons nous des pouces hypertrophiés ou crèverons nous de faim et de soif sur Mars après avoir vandalisé la Terre ?

En attendant cette funeste échéance, jouissons des merveilles que nous offre notre berceau céleste.

En cet endroit du site les colonnes ou les « orgues » sont encore solidaires du plateau dans lequel les intempéries ont commencé à les sculpter. C’est ici que l’on voit le mieux le processus d’érosion à l’œuvre.

Je suis ému par la vue de cet arbre en détresse qui a poussé sur un bord du relief et que l’érosion et le vent ont fait basculer sur l’autre bord, le suspendant ainsi au bord du vide.  Espérons qu’il n’a pas le vertige !

Les vacances sont faites pour se distraire mais aussi pour s’instruire. Ainsi après le cours de géologie des orgues, les petits loups ont droit à un cours d’histoire religieuse avec la visite de l’abbaye de St Martin du Canigou. Même si on est athée, « dieu » fait partie de notre histoire pour le meilleur ou pour le pire !

A vrai dire indépendamment de son intérêt historique, l’abbaye se dresse à plus de mille mètres d’altitude dans un site remarquable qui à lui seul justifie la rude montée d’une demi heure qu’il nécessite pour y accéder .

Cette abbaye a été dédiée à St Martin qui, avant d’être « saint », fut légionnaire romain et au cours de cette période rencontra un jour un pauvre grelottant de froid auquel il donna la moitié de sa tunique. Pourquoi la moitié me direz vous et bien tout simplement parce que les légionnaires romains ne payaient que la moitié de leurs vêtements, l’autre moitié appartenant à la légion, dont ils ne pouvaient donc librement disposer !

L’abbaye a été édifiée au Xème siècle par Guilfred II comte de Cerdagne. C’est un bel exemple d’art roman méridional. Elle a été grandement endommagée sous la Terreur et été restaurée au XXème siècles à l’initiative de l’évêque de Perpignan, monseigneur de Carsalade du Pont. Elle est aujourd’hui occupée par quelques membres de la communauté des Béatitudes.

Les colonnes de la galerie qui borde le cloître arborent de magnifiques chapiteaux sculptés.

L’un deux est décoré de quatre têtes de chevaux qui symbolisent peut être les chevaliers de l’apocalypse (interprétation personnelle)

Un autre chapiteau comporte et, c’est plutôt étonnant en ce lieu, une danseuse la poitrine nue. Il s’agirait de Salomé dansant devant le roi Hérode afin de le charmer et de lui demander une faveur : obtenir la tête de St Jean Baptiste qui avait condamné le mariage de sa mère avec Hérode. Cette sculpture est probablement destinée à mettre en garde les moines contre les "dangers" de la séduction féminine. Personnellement je ne vois pas où sont les dangers mis à part le fait que quand on est amoureux on se contente d'amour et d'eau fraîche, et à vrai dire j'ai un très faible penchant pour l'eau fraîche !

Cela dit, vu la localisation de l’abbaye il est peu probable que ce risque se soit matérialisé. Les visites devaient y être rares !

Au moins les moines jouissaient-ils d’un superbe environnement et n’est-il pas vrai que la beauté de la nature console de toutes les frustrations. Personnellement quand je suis en montagne je suis un homme comblé,  surtout quand j’ai un flacon de rosé dans le sac !

L’abbaye comporte deux églises superposées, l’église inférieure étant restée inchangée son édification. Ainsi notre regard caresse des pierres que des regards ont caressé il y a mille ans. Un lien secret entre nous naît-il de ce partage ?

En redescendant vers la vallée Emilie, émue par ce lieu hautement spirituel, fait une salutation au soleil dont les rayons inondent le sous bois. La vraie vie est là dans le contact charnel et ludique avec la nature qui fait danser nos atomes avec ceux de l’univers.

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 Après cette balade maritime, je vous invite à aller sur mon blog musical 

 Canta-la-Vida   

pour écouter  ma  chanson 

La Casa de Maria

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 Texte & Photos Ulysse