Périple dans la chaîne des Puys (Fin)
En raison du confinement je réédite un article d'un ancien blog
La semaine passée, nous vous avions quittés au sommet du Pariou, l'un des plus beaux volcans d'Auvergne. Après avoir dévalé sa pente nord, dont on aperçoit en arrière-plan le cône de scories rouges partiellement érodé, nous entamons l’ascension des Petit et Grand Suchet.
Du sommet de ce dernier, on aperçoit le puy de Côme dont les flancs sont lentement recouverts par la forêt. La chaîne des Puys, qui a été classée en 2000 comme paysage exceptionnel à préserver, risque de perdre son originalité du fait d’une extension spontanée de la forêt. Seule une redynamisation du pastoralisme, permettrait de lutter contre ce phénomène, mais rares sont ceux qui veulent être berger aujourd’hui.
Vers le sud nous jouissons d’une vue imprenable sur les Petit et Grand Puys de Dôme. Sans doute - comme je le fus - êtes-vous surpris d’apprendre qu’il y a un petit Puy de Dôme. Il s’agit de cette modeste protubérance que l’on aperçoit sur le flanc nord de son faux jumeau. De fait, ils ne sont pas nés à la même période. Le plus grand (1465m) n’a que 12 000 ans tandis que le petit (1265m) en affiche 42.000 !
Redescendant des Puys de Suchet, nous longeons une coulée de lave malheureusement totalement refroidie et donc d’aucun secours pour réchauffer un peu l’atmosphère !
Ces coulées de lave ont été exploitées comme carrière dès l’époque gallo-romaine et offrent ainsi des abris opportuns quand tombent les «rares averses» annoncées par la météo.
Nous regagnons le couvert de la forêt constituée de bouleaux et d’hêtres vénérables. L’un deux m’interpelle en me disant : «Je t’ai entendu nous critiquer et dire que nous devenions envahissants, mais il me semble que nous vous rendons aussi quelques services. Nous produisons l’oxygène nécessaire à la vie sur terre, nous enrichissons les sols avec nos feuilles mortes, nous les protégeons avec nos racines, notre canopée est un havre de biodiversité, nos fûts servent à la construction de vos charpentes et de vos meubles, notre bois mort vous permet de vous chauffer et nous vous abritons du soleil (les hêtres auvergnats ont de l’humour!) Pourquoi vouloir nous exterminer ? En nous éliminant vous coupez la branche sur laquelle vous êtes assis ».
« Il ne s’agit pas de vous exterminer » lui ai-je répondu avec amabilité «car je sais trop les services que vous nous rendez mais de maintenir là où c’est nécessaire la diversité et l’originalité de nos paysages. Nous avons certes besoin de vous mais aussi de vignes, de champs, de prairies, de landes, de garrigues qui permettent à des milliers de plantes, d’insectes et d’animaux de trouver un cadre propice à leur survie". Mon discours semble le convaincre de mes bonnes dispositions à l’égard du peuple arboricole car il immobilise les branches qu’il agitait pendant notre altercation au dessus de ma tête cessant ainsi d’y faire tomber les gouttes de pluie dont ses feuilles étaient couvertes. A chacun ses moyens de défense ou de persuasion !
De fait, on ne peut qu’aimer les arbres qui jusqu’au delà de leur mort font preuve d’un altruisme exemplaire et offrent leur «chair» pour nourrir champignons, lichens ainsi qu’une myriade de bestioles qui les recyclent, contribuant au maelstrom éternel de la vie.
Revenus dans le confort douillet de notre Archipel, nous nous régalons d’une inoubliable «truffade» qui reconstitue nos forces pour les aventures du lendemain
Notre séjour touchant à sa fin, nous décidons le lendemain, malgré des prévisions météo «auvergnates» (c’est à dire incertaines), de nous attaquer à la pièce maîtresse de la chaîne des Puys : le puy de Dôme. Celles et ceux habitués à gravir les sommets alpins, pyrénéens, Himalayens ou andins et autres pics exotiques souriront sans doute en lisant les mots «pièce maîtresse». Car avec ses 1465 mètres le puy de Dôme, pour eux, s’avale comme un petit four. Mais je les invite à ne pas prononcer de jugement hâtif avant d’avoir lu cette note. Tout d’abord quand on veut bien maîtriser «son sujet » il faut en faire le tour et c’est ce que nous entreprenons en empruntant le sentier circulaire qui contourne le Puy et traverse par endroits de magnifiques forêts.
Quand le chemin sort du bois le Puy de Dôme s’impose immédiatement dans le paysage. Sa coiffe de nuages qui le dissimule en partie le rend paradoxalement plus imposant, car on n’en voit pas le bout ! On pense alors au propos d’Alexandre Vialatte , écrivain auvergnat pour lequel le puy de Dôme était la mesure de toute chose et qui disait : «On me fait le reproche d’avoir exagéré l’altitude du puy de dôme. Voilà longtemps que le puy de Dôme était trop petit. (...) Il y a, pour les montagnes, une altitude morale. Le puy de Dôme, moralement, est bien plus haut que lui-même. Historiquement, le puy de Dôme est plus grand que le Mont-Blanc (…..) N'hésitons pas à lui donner mille ou deux mille mètres de plus. (….)".
J’aime assez cette notion «d’altitude morale ou historique» pour certaines montagnes emblématiques et je pense que ce point de vue était partagé par Anquetil et Poulidor lorsqu’ils ont grimpé le puy au coude à coude lors d’une étape légendaire du tour de France 1964.
De Freignac, coureur automobile du début du XXème siècle n’aurait pas non plus contredit Vialatte. En 1905, fasciné par ce sommet, il se lance à sa conquête au péril de sa vie. Parvenu en haut il déclare «jamais je ne recommencerai».
Deux ans plus tard, en 1907 on accède en train au sommet. Mais le développement de la voiture mettra fin à cette aventure ferroviaire au début des années trente. Elle a renaît en 2012, avec l’installation d’un train à crémaillère qui a chassé définitivement les voitures du sommet.
Mais l’exploit le plus fou suscité par cette montagne est celui du pilote Eugène Renaux et de son mécanicien Alain Senouque qui, relevant un défi lancé par André et Edouard Michelin, relient en avion le 7 mars 1911 Paris au sommet du Puy en moins de six heures. A l’atterrissage l’avion s’arrête à quelques mètres du vide !
Le respect s’impose donc pour cette montagne à propos de laquelle l’historien français du XIXème siècle Georges-Bernard Depping disait dans son ouvrage "Merveilles et beautés de la nature en France": «Les voyageurs qui ont parcouru les Pyrénées et les Alpes ont vu assurément des montagnes plus importantes par leur élévation et leur volume ; mais difficilement ils en auront rencontré une mieux dessinée, mieux filée et surtout mieux placée pour plaire".
De la voir s’élever ainsi au dessus d’un plateau fleuri, on ne peut qu’adhérer à ses propos
Si vous n’êtes pas convaincu(e), cette photo emportera je l’espère votre adhésion…
Pour les cas désespérés qui ne seraient toujours pas séduits, je conseille une visite à la chapelle de St Aubin où coule une source dont on prétend qu’elle guérit les maladies des yeux. Pour ceux qui seraient sceptiques, je reprendrai les propos tenus par un habitant à un visiteur qui doutait de la propriété miraculeuse de la source «Bien-sûr que l’eau est bonne pour la vue, regardez parmi les centaines de moutons qui en boivent tous les jours, on n’en a jamais vu un porter des lunettes". Assez parlé ! Maintenant que nous en avons fait le tour il est temps de passer aux actes et de se diriger vers le chemin des Muletiers qui mène à son sommet.
Comme vous le constatez, ce chemin est fort confortable et permet à nos épouses de garder le sourire malgré le nuage noir installé au dessus de nos têtes. Le bulletin météo du jour ne parle plus de «rares averses» mais «d’averses éparses » ce qui nous laisse l’espoir de passer entre les gouttes !
Nous voilà en vue du sommet coiffé d’une antenne qui ressemble à une fusée du Cap Canaveral prête à s’élancer vers l’espace. Tout ce que nous souhaitons c’est qu’elle ne crève pas les nuées qui se vautrent sur le sommet du puy.
Eole prend pitié de nous et pousse les nuées au large, nous permettant de découvrir vers le nord le magnifique puy de Côme.
Ainsi que le Pariou que nous avons grimpé et le Puy des Goules
Tandis qu’un troupeau de moutons ressemblant à une fourmilière s’égaille dans le cratère du petit Puy de Dôme.
Vers le sud la vue n’est pas moins belle. Assurément Georges-Bernard Depping n’avait pas tort, le puy de Dôme est l’une des montagnes les mieux placées pour plaire !
Il est l’heure de redescendre pour reprendre quelques forces au Relais des Muletiers installé au départ du sentier, où dans un cadre convivial est servie une excellente cuisine de terroir.Le lendemain matin il nous faut, hélas, plier bagages. Les nuages ont eu beau nous accompagner pendant notre séjour et dispenser généreusement leurs bruines rafraîchissantes, nous emportons de notre séjour dans la Chaîne des Puys et à l’Archipel Volcans des souvenirs chaleureux. Il est certain que nous y reviendrons !
PS: Si vous souhaitez faire de la randonnée dans la Chaîne des Puys je vous conseille d'acheter la carte de randonnée IGN 2531 ET ainsi que le Guide "Balades et randonnées Chaîne des Puys à pied et à VTT " Ref 127 édité par Chamina.
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Texte & Photos Ulysse
(sauf citations et photos historiques des panneaux pédagogiques
installés le long du sentier des muletiers.)
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