Un vieil huron, de la neige, du blizzard et des œufs au bacon, c’est tout bon !
Etant parti en vadrouille cette semaine dans le « Gaillacois » je n’ai pas pu rédiger de note, aussi je réédite un article posté sur mon ancien blog il y a quelques années, alors que nous étions encore, mes amis et moi, de vigoureux gaillards prêts à affronter les pires intempéries ! (Article que j’ai actualisé).
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La loi générale de l’évolution de l’univers est celle de l’entropie qui fait, que tout se dégrade, tout fout le camp. C'est la rouille qui ronge le fer, le feu qui s’éteint, la vieillesse qui nous gagne, nos genoux qui se bloquent. En résumé l'entropie fait que tout passe, tout lasse, tout casse, c'est ce qui rend le temps irréversible, les dégradations inéluctables, la mort certaine. Dans une veine plus poétique, l'ami Léo a fait également le même constat dans sa superbe chanson "Avec le temps". Et c’est pour tenter de ralentir cette évolution, qui nous conduit inéluctablement dans "le trou", si possible en riant et en dansant comme le chantait l’ami Jacques, que nous n’arrêtons pas de grimper les montagnes mes amis et moi. Nous pensons naïvement que plus haut nous serons perchés, plus longue sera la chute ! A chacun ses illusions ! Toujours est-il que nous voilà donc partis, Marie, Ghis, Jean-Mi, Gibus et moi, en ce matin de février, à l’assaut du Caroux par le col de col de Bertouyre et le rocher de Luchet. A voir le barda que porte l’ami Gibus, vous comprendrez que le Caroux durant l’hiver n’est pas un endroit où l’on cueille des pâquerettes. La météo prévoyant des températures négatives et un vent à décrocher les oreilles, nous emportons un « cubi d’antigel »….Bon, tenant à l’estime de mes lectrices (mes lecteurs sont sur ce point plus indulgents) je précise que je plaisante et que le carton en question contient, non pas un divin nectar, mais du petit bois pour faciliter le démarrage du feu, vu qu’une épaisse couche de neige recouvre le sommet des montagnes et donc le bois mort qui s’y trouve.
Le chemin qui passe au pied du rocher de la Tour de Guet nous donne le sentiment d’évoluer dans un « shan shui », ces sublimes peintures de paysage de la Chine antique, que les artistes de la Chine « en toc » d’aujourd’hui seraient bien en peine de reproduire. D’ailleurs ce pays qui semble aujourd’hui si menaçant n’est qu’un immense château de cartes qu’une tempête sociale et écologique, un jour pas si lointain, emportera.
Et là nous tombons sur une scène inhabituelle en ces lieux : un panneau signalant des travaux de réfection du sentier ! Et, effectivement, un artisan est à l’œuvre qui remet en état avec art et patience le sentier fortement érodé. Saluons ici l’initiative des pouvoirs publics, pas toujours soucieux dans notre région d’Occitanie du bon usage des fonds publics, comme en témoigne cet article de France bleu Hérault
Soudain nous entendons un tonitruant « Hugh ! » au dessus de nos têtes. Levant les yeux nous apercevons un vieil huron installé sur la pente et qui contemple l’horizon. « Hugh » lui répondons nous en chœur sans rien ajouter d’autre, n’étant pas familier du wendat. A notre grande surprise, il nous réplique dans un français irréprochable : « Oh ! visages pâles, je vous déconseille vivement de grimper là haut aujourd’hui, c’est le grand chambardement ! Vous allez y perdre vos scalps ! ». Personnellement cette perspective ne m’inquiète guère vu que mon scalp est depuis longtemps resté accroché à mon peigne !
Suivant son regard nous découvrons qu’effectivement les cimes sont, pour l’heure, balayées par la Tramontane qui soulève un voile de neige. « Nous sommes habitués et nous allons au refuge de Font Salesse où nous pourrons nous réchauffer » lui répond-t-on. « Vous êtes courageux et j’implorerai Wacondah afin qu’il vous apporte sa protection. Mais comme aujourd’hui même les dieux sont faillibles, j’appellerai les secours avec mon portable (oui, même les vieux hurons ont des portables aujourd'hui !) si vous n’êtes pas redescendus à 17 heures ». Après avoir remercié ce noble et brave huron pour sa sollicitude, nous poursuivons notre ascension.
Nous arrivons, sous un ciel encore clément, au col de Bertouyre situé à mi-pente. Nous y trouvons les premières traces de neige qui nous signalent que nous venons de franchir l’isotherme zéro degré et qu’il nous faut donc couvrir soigneusement nos extrémités les plus exposées au risque de gel. Il est donc préférable d’avoir satisfait à ses besoins naturels avant cette limite !
En prenant un peu d’altitude, le manteau neigeux s’épaissit, ce qui crée ce spectacle étonnant - propre aux montagnes méditerranéennes - de forêts de chênes verts arborant un magnifique feuillage, alors que le sol est couvert de neige.
Parvenus à l’altitude d’environ 800 mètres, nous abordons un monde plus minéral. Nous sommes encore protégés du vent par le flanc de la montagne mais le ciel noir au dessus de nous, ne présage rien de bon sur ce qui nous attend.
Les ramures des bosquets d’arbres dénudés dessinent de superbes arabesques qui illuminent le paysage. Qui osera dire que l’hiver est une triste saison !
Un lapin des neiges nous regarde passer le cœur palpitant craignant de finir ses jours dans une casserole. Mais nous le rassurons en lui disant que nous avons largement de quoi nous sustenter et qu’il n’est pas prévu au menu.
Parvenus au pied du rocher du Luchet, je vais rendre visite à mon copain l’arbrisseau, que mes lecteurs connaissent bien, et qui fait vaillamment front aux intempéries en haut de la falaise qui surplombe l’Orb. C’est la grandeur et la servitude d’être un arbre que de ne pouvoir échapper au lieu qu’a choisi pour vous le destin. Il y a aussi parmi les hommes des aventuriers un peu fous comme nous le sommes mais nous pouvons à tout moment rejoindre la chaude compagnie de nos congénères.
Nous parvenons enfin sur le plateau balayé par le blizzard et nous nous demandons quelques instants si nous n’aurions pas dû suivre le conseil du vieil huron. Mais l’heure sacrée du déjeuner approchant il est trop tard pour faire demi-tour. Nous décidons donc de poursuivre notre périple pour rejoindre le refuge situé non loin de là.
La chance souriant toujours aux audacieux, nous tombons sur un arbre mort qui nous tend ses branches secourables pour alimenter notre feu.
Gibus, ayant autant de ressources que les couteaux suisses (c’est normal vu qu’il est d'origine helvète !) utilise sa corde pour nous permettre de tracter plus aisément notre provision de bois. Vous devez penser que je profite habilement d’être le photographe attitré du groupe pour échapper à cette corvée.
Que nenni ! Ma photo faite, je prends part à l’attelage comme vous pouvez le voir sur cette autre photo prise par Marie. Et ne mettez pas ma parole en doute sous prétexte que l’on nous voit de dos. Vous pensez bien que mes copains, aussi sympa soient-ils, m’auraient mis ce midi là à la diète si je ne leur avais pas donné un coup de main. L’amitié n’est pas quelque chose qui va de soi, ça s’entretient !
Pendant que nous ahanons sous le poids du fardeau, nos compagnes avancent tranquillement. Mais n’est ce pas quand la force sert la tendresse que le monde devient harmonieux !
Nous investissons le refuge et sortons les victuailles liquides et solides de nos sacs. Au menu du jour nous trouvons : vin chaud, potage maison aux légumes, charcuterie, œufs sur le plat au bacon, fromage, pâtisseries, café, thé, chocolat le tout arrosé d’un Bordeaux et d’un vin du Languedoc. Qui dit mieux ? Et c’est beaucoup moins cher qu’à la Tour d’Argent où la tranche de pâté vous est vendue au prix de l’or !
Si vous appréciez les œufs au plat et au bacon cuits au feu de bois, je vous invite à vous dépêcher car il n’en reste que trois dans la poêle !
Pendant que nous déjeunions, le vent a redoublé de violence. Aussi avant de prendre le chemin du retour nous nous emmitouflons pour affronter la tourmente.
La porte à peine ouverte, nous comprenons ce qui nous attend. Des tourbillons de neige soulevés par la Tramontane balaient le paysage. Seul élément un brin rassurant (pas deux ! un !) le soleil arrive à percer les nuées ce qui crée une ambiance féerique. Courageusement nous nous jetons dans la bataille comme des parachutistes se précipitent dans le vide.
Ayant dévalé le long du rocher du Luchet, nous nous retrouvons à l'abri du vent. En approchant du bord du plateau nous apercevons la plaine en contrebas, dont la brume qui la recouvre masque toute trace d’habitation. Nous avons le sentiment d’être des explorateurs qui découvrent un continent inconnu.
Ayant basculé vers la plaine nous retrouvons des conditions définitivement plus clémentes et nous sommes heureux au passage de rassurer le vieux Huron sur notre sort.
Arrivés au point de départ, le torrent d’Héric nous invite à y faire un petit plongeon, invitation que nous mettons un point d’honneur à accepter. Après le vent glacial du sommet, l’eau nous paraît presque chaude ! Bon j’exagère un peu, mais que vaudrait la vie sans un brin de folie !
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Texte Ulysse & Photos Ulysse, Jean-Mi (photos datées) et Marie
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