Eldorad-Oc

La France est considérée comme la fille ainée de l’église car ses rois étaient les successeurs directs de Clovis I^er, premier roi barbare baptisé chrétien en 496 et, à ce titre, fils aîné de l’Église. Et pourtant, malgré ce statut, une cinquantaine de ponts, selon les légendes locales, y ont été construits avec l’aide du diable. Rappelons que dans la version la plus courante de ces légendes, un riverain, ayant besoin d'un pont difficile ou impossible à construire, est approché par le diable. Celui ci propose d'achever la construction très rapidement, souvent en une seule nuit, en échange de l’âme du premier passant sur le pont. On lui enverra un animal pour tout paiement, chat, chien ou autre. C’est grâce à l’un de ces contrats diaboliques, qu’en ce doux mais nuageux matin de fin septembre, nous franchissons la Mare sur le pont du diable de Villemagne l’Argentière. Nous ne craignons pas d’y perdre notre âme vu que nous ne sommes pas les premiers à le traverser et, surtout, que nous avons dans nos sacs un flacon du "sang" de Jésus, qui est le plus puissant des antidotes vis à vis de Lucifer, comme l’ail ou la croix le sont pour les vampires.

La Mare, modeste rivière qui se jette dans l’Orb, est à l’étiage comme tous les cours d’eau du Languedoc qui subissent les effets de la sécheresse qui dure depuis deux ans. Les nuages prennent plaisir à se mirer dans son cours quasi immobile sans jamais y verser une goutte d’eau!

Ce pont a été construit au milieu du XVIIIème siècle, selon des techniques médiévales, pour acheminer le charbon extrait dans le bassin de Graissessac, un peu plus au Nord, et qui était utilisé par la verrerie royale d’Hérépian, toute proche. A la demande des négociants en vin locaux, cette verrerie produisait des bouteilles en verre noir, fabriquées à partir du basalte abondant dans la région, et suffisamment robustes pour supporter le transport par voies terrestres, fluviales et maritimes. Notons que ce type de bouteille a été mis au point par Jean-Antoine Chaptal, jeune professeur de chimie de la Société Royale des Sciences de Montpellier.

Une légère brume envahit le vallon où nous marchons qui tamise les rayons du soleil, créant une lumière diaphane dorée qui nous donne le sentiment d’évoluer dans un tableau de Jean-Baptiste Camille Corot.

Bien que les frondaisons des arbres et les vignes soient encore vertes, l’automne s’annonce par la lente turgescence d’un champignon qui éclot difficilement au milieu des pierres du chemin.

L’omniprésence de montagnes dans le nord de l’Hérault, département pourtant plutôt connu pour ses plages, crée une multitude de micro-climats qui génèrent une grande diversité de terroirs et donc de nectars, que j’ai déjà célébrés la semaine passée. Comme je le disais alors, mais c’est le propre des pochtrons de radoter, quand on boit un bon vin, on boit du paysage!

Sur cette vigne orientée vers le nord-ouest et soumise à l’influence de la fraîche Tramontane, l’automne fait sentit ses premiers effets en la parant de magnifiques couleurs.

Outre les vignes, l’Hérault est aussi riche en forêts qui contribuent à lutter contre le réchauffement climatique. Malheureusement ce dernier, que la sécheresse accompagne, les soumet à rude épreuve.

Ce n’est pas que les nuages manquent, mais, comme je le disais plus avant,  ils ne font que passer pour aller déverser leur cargaison d’eau ailleurs. Les gens de notre région sont tellement désespérés qu’ils en arrivent à organiser des processions religieuses pour faire pleuvoir. Si Dieu existe vraiment et qu’il s’intéresse encore au sort des mal nommés homo-sapiens que nous sommes, mieux vaut qu’il arrête plutôt de faire pleuvoir les bombes sur des peuples innocents et impuissants !

Je ne peux m’empêcher de vous montrer pour la nième fois - mais je suis, comme je l'ai dit, un vieux radoteur - le travail titanesque des anciens qui ont édifié des centaines de kilomètres de murets en pierres pour entourer leurs cultures. L’épierrage des terrains, nécessaire pour leur exploitation, permettait, en outre, grâce à ces murs de protéger les récoltes de la faune herbivore. 

Chaque randonnée que nous faisons s’accompagne souvent d’une leçon de géographie, d’histoire, de botanique ou autre sorte de connaissances. Marcher est bon pour ma santé en général mais aussi la vitalité de mon vieux cerveau. Ainsi apercevant cette plante étonnante que je n’avais jamais remarquée, j’ai découvert qu’il s’agissait des fruits du chèvrefeuille des Baléares qui ressemblent à des groseilles mais sont toxiques. Ce nom viendrait du latin «caprifolium», feuille de bouc, du fait que les caprins en brouteraient les jeunes pousses. Notons que l’odeur entêtante des fleurs de chèvrefeuille a inspiré de nombreux écrivains, dont Julien Green dans Moïra, excellent roman sur les dangers du puritanisme et de la religiosité:

La nuit était pleine d’odeurs délicieuses, et il respirait un peu malgré lui, comme si la chose n’eût pas été tout à fait permise, le lourd parfum du chèvrefeuille mêlé à un âcre et fine senteur de feuilles mortes.” 

Outre son étonnante diversité, la nature a une fabuleuse prodigalité comme en témoignent ces centaines de cônes qui ornent les branches de ce cèdre et libèreront, le printemps prochain, un nuage de pollens jaunes dont certains donneront de nouveaux sujets.

Nous arrivons en vue du pittoresque village de Boussagues que mes fidèles lectrices et lecteurs connaissent pour l’avoir déjà visité en ma compagnie ICI 

Je ne peux m’empêcher de consacrer de nouveau quelques millions de pixels à l’un des plus beaux bâtiments du village : la maison du Bailly édifiée au XIIème siècle et qui fut, jusqu’au XVème siècle, le siège de l’administration du village et de la justice.

Et vous avez droit aussi à une resucée de cette inscription latine sur la façade de l’église qui signifie : « Ce que tu es, je l’ai été, ce que je suis tu le seras ». Une belle invitation à profiter du temps qui passe et à déguster avec lenteur et gourmandise, quand viendra l’heure du pique-nique, la bouteille de rosé au frais au fond de mon sac. Notons au passage cette curiosité linguistique qui veut que l’on prononce «ressucée» alors qu’il n ‘y a qu’un «s» tout simplement parce ce mot veut dire initialement re-sucer et par extension « répéter ». Pas facile à apprendre la langue française !

Ce qui étonne le plus, dans ce type de villages, que l’on rencontre partout en France et qui ne comptent plus que quelques dizaines d’âmes, c’est l’imposante dimension de leurs château et église qui témoignent qu'ils connaissaient autrefois une intense activité économique. De fait les trois quarts de la population française vivaient dans les zones rurales jusqu’au milieu du XIXème siècle contre 18% aujourd’hui!

Et de fait, les innombrables terrasses qui quadrillent tous les coteaux environnants et qui sont aujourd’hui abandonnées, témoignent de cette intense activité agricole dont le village était le centre. Il s’agissait d’une agriculture de subsistance basée sur les céréales, les vergers et les légumes.

Ne subsiste aujourd’hui que la vigne qui elle même est en crise du fait de la morosité économique mondiale, qui entraine une diminution des exportations, et d'une baisse de la consommation domestique. Que l’on boive moins de vin mais du meilleur avec notre amie Modération est une bonne chose, mais ce serait bien aussi que les «colas», véritables poisons, soient bannis des rayons alimentaires. 

Après avoir été menaçant,  le ciel au fil des heures s’est éclairci et c’est sous le soleil que nous achevons notre périple.

Nous flânons quelques instants au bord de la Mare qui a connu un passé plus tumultueux, vu le lit qu’elle a réussi à creuser dans les rochers.

Etonné toujours, je suis, face à ces audacieux édifices qui ont été construits par les anciens qui ne disposaient pas des engins mécaniques d’aujourd’hui. Déroutant ce bipède capable de telles prouesses mais aussi de larguer des bombes sur ses semblables !

Je vous invite à écouter ma dernière chanson

"Amour en Vue, attention danger..."

sur mon blog Canta-la-Vida

(lien dans la barre de titre)

Mon ami Gibus vient de publier un nouveau roman

que vous pouvez commander ICI

ALICIA vit dans la grande exploitation agricole dirigée par sa sœur et son époux à Skoura, au sud du Maroc. Son mariage vacille, elle n'est pas très heureuse. Une crise politique entre syndicats et gouvernement rendra la marche de l'exploitation difficile tout comme son travail d'infirmière libérale. Suite à la traversée de moments spécialement pénibles pour sa vie de couple, elle envisage son retour en France. Sa sœur Azziza décide de modifier le fonctionnement de l'exploitation dont la charge est trop lourde pour une jeune femme.

Et si vous êtes intéressés par les plantes alpines et l'herboristerie je vous invite à découvrir le blog de sa petite fille Carla accompagnatrice de montagne en cliquant

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TEXTE & PHOTOS ULYSSE