Eldorad-Oc

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Virée à travers les terrasses du Larzac

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Le réchauffement climatique pose un gros problème aux vignerons du sud de la France et notamment à ceux du Languedoc. La sécheresse qu’elle provoque réduit les rendements et  induit une augmentation du taux de sucre dans les grappes et donc du degré d’alcool généré par la fermentation, ce qui rend les vins plus  «lourds» et moins digestes. Une appellation est, toutefois, moins affectée par ce problème car son vignoble s'étend sur les terrasses positionnées sur le flanc sud du plateau du Larzac, à une altitude moyenne de 200 à 500m, où les nuits sont plus fraîches. Ce climat permet de produire des vins plus légers et subtils et, d’ailleurs, ils sont de plus en plus recherchés par les amateurs. Aujourd’hui nous allons parcourir ce vignoble dénommé  "Terrasses du Larzac" dans sa partie la plus septentrionale, à partir du village de Pégairolles de l’Escalette.

 

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Le nom de ce village, dont la création remonterait au IXème siècle, vient de l’occitan «pegairòla» qui veut dire sol argileux et du fait qu’il était situé sur la voie d’accès vertigineuse - le pas de l’Escalette -  au plateau du Larzac, aujourd’hui remplacée par l’A75.

 

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On vit ici comme au moyen âge et on frappe à l’huis avec un heurtoir pour annoncer sa visite.

 

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Les paysages que nous allons découvrir ont été façonnés par les humains qui n’ont pas ménagé leur peine et ont creusé et édifié les terrasses pour les cultures (vignes, vergers, céréales, légumes) dont dépendait leur existence, le plus proche marché étant souvent à plusieurs heures de marche. 

 

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Nous commençons notre périple par un sentier qui surplombe les terrasses et sinue dans une zone boisée qui longe le pied des falaises du plateau du Larzac.

 

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De temps à autre, un bloc se détache des falaises et mieux vaut alors ne pas être dans les parages sous peine d’enrichir précipitamment nos héritiers. 

 

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Nous émergeons bientôt du couvert forestier et découvrons les vignes enluminées par le soleil. Grâce à cet astre bénéfique l’eau captée dans le sol par les vignes est transformée en un jus sucré dont le génie humain fait des nectars. Depuis des millénaires, ils réjouissent les gosiers humains, accompagnent les fêtes humaines et inspirent les poètes. Notons, ce propos d’Anacréon, poète grec, en l’honneur de Dionysos: Le dieu qui rend le jeune homme actif aux travaux, intrépide aux amours et gracieux à la danse, ce dieu revient et apporte aux mortels un philtre enchanteur, un breuvage qui chasse les inquiétudes. Le raisin fils de la treille, mûr déjà, mais pendant encore au sarment, a Dionysos pour sentinelle : dès qu’il sera coupé, il dissipera toutes les maladies, rendra le corps robuste et donnera l’enjouement à l’esprit jusqu’à ce que brille le nouvel automne. Ceci dit, Dionysos est un ingrat car Anacréon mourut étouffé par un raisin sec !
 

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Ici, on mesure le fantastique travail accompli par celles et ceux qui ont creusé et aménagé les terrasses où pousse aujourd’hui la vigne. Admirons la facture parfaite des murs qui les entourent. Nos anciens avaient le sens de l’effort et du beau à l’inverse des sinistres "parpaigneurs" qui défigurent nos villages avec leurs hideux murs de parpaings bruts montés de guingois.

 

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Admirons aussi leur courage car ils ont dû épierrer le sol des champs et former ainsi des «clapas», immenses tas de cailloux qui ponctuent le paysage.

 

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La nature sauvage qui entoure les vignes confère au vin qui en est issu des arômes particuliers et aussi une âme que Baudelaire célèbre dans ce poème:

 

Un soir, l'âme du vin chantait dans les bouteilles :
" Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité, 
Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
Un chant plein de lumière et de fraternité !

Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,
De peine, de sueur et de soleil cuisant
Pour engendrer ma vie et pour me donner l'âme ;
Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,

Car j'éprouve une joie immense quand je tombe
Dans le gosier d'un homme usé par ses travaux,
Et sa chaude poitrine est une douce tombe
Où je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.

Entends-tu retentir les refrains des dimanches
Et l'espoir qui gazouille en mon sein palpitant ?
Les coudes sur la table et retroussant tes manches,
Tu me glorifieras et tu seras content ;

J'allumerai les yeux de ta femme ravie ;
A ton fils je rendrai sa force et ses couleurs
Et serai pour ce frêle athlète de la vie
L'huile qui raffermit les muscles des lutteurs.

En toi je tomberai, végétale ambroisie,
Grain précieux jeté par l'éternel Semeur,
Pour que de notre amour naisse la poésie
Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur ! « 

 

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Selon mon arbre généalogique, je suis issu d’une lignée de vignerons qui remonte à 1643 et le goût du vin est inscrit dans mes gènes. Approchant des huit décennies, je suis récemment tombé sur ce délicieux poème de circonstance de Gaston Couté «La darniér’ bouteille» écrit en patois beauceron:

 

Les gas ! apportez la darniér’ bouteille
Qui nous rest’ du vin que j’faisions dans l’temps,
Varsez à grands flots la liqueur varmeille
Pour fêter ensembl’ mes quat’er vingts ans…
Du vin coumm’ c’ti-là, on n’en voit pus guère,
Les vign’s d’aujord’hui dounn’nt que du varjus,
Approchez, les gas, remplissez mon verre,
J’ai coumm’ dans l’idé’ que j’en r’boirai pus !

Ah ! j’en r’boirai pus ! c’est ben triste à dire
Pour un vieux pésan qu’a tant vu coumm’ moué
Le vin des vendang’s, en un clair sourire
Pisser du perssoué coumme l’ieau du touet ;
On aura bieau dire, on aura bieau faire,
Faura pus d’un jour pour rempli’ nos fûts
De ce sang des vign’s qui’rougit mon verre.
J’ai coumm’ dans l’idé’ que j’en r’boirai pus !

A pesant, cheu nous, tout l’mond’ gueul’ misère,
On va-t-à la ville où l’on crév’ la faim,
On vend poure ren le bien d’son grand-père
Et l’on brûl’ ses vign’s qui n’amén’nt pus d’vin ;
A l’av’nir le vin, le vrai jus d’la treille
Ça s’ra pour c’ti-là qu’aura des écus,

Moué que j’viens d’vider nout’ dargnier’ bouteille
J’ai coumm’ dans l’idé’ que j’en r’boirai pus.
 

 

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Comme la plupart des vignes sont éloignées des habitations, les anciens ont pris la précaution d’édifier des capitelles où ils pouvaient se réfugier en cas d’intempérie et aussi y ranger leurs outils et y mettre leur repas et leur chopine du midi à l’abri du soleil.

 

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Devant un tel paysage, on ne s’étonne pas que les nectars du crû soient appréciés. Boire du vin c’est absorber du soleil, de la terre, un savoir faire, un paysage. Et d’aucuns esprits scrogneugneux nous affirment que c’est un poison ! Quelle outrecuidance, quel manque de culture, quelle stupidité !

 

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Nous suivons un sentier censé nous emmener sur le plateau du Larzac, histoire de faire un peu de cardio avant la pause pique-nique.

 

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Bien que nous vivions, et c’est heureux, dans un pays laïque, nos paysages sont souvent ornées d’une croix, ce qui ne me choque guère, car l’homme qui y figure fut un grand amateur de vin dont il fit un breuvage divin et qu’il offrit en abondance à ses amis. 

 

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Nous longeons le cours d’un torrent dont l’une des rives a subi, il y a peu, un éboulement. Cela nous rappelle la lente et discrète décrépitude à l’oeuvre au sein  de nos organismes et ayons conscience que le verre que nous buvons sera peut être le dernier! Alors dégustons le !

 

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Notre sentier étant barré avec de hauts barbelés infranchissables, nous faisons demi - tour sans avoir pu accéder au plateau du Larzac. C’est l’inconvénient de suivre des chemins non balisés et c’est le prix à payer pour l’aventure !

 

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Nous évoluons au coeur d’une mer végétale que surplombent des monts bleutés vierges de tout édifice humain. Nous éprouvons une joie primale comme si nous étions des enfants découvrant le monde.

 

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Nous revenons en surplomb de la vallée creusée par la Lergue modeste rivière qui, toutefois, du fait des épisodes cévenols peut connaître des crues impressionnantes.

 

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On aperçoit au loin les falaises qui bordent le plateau du Larzac sculptées par les éléments et qui sont le lieu d’une magnifique et sportive randonnée que vous pouvez découvrir ici.

 

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Nous voici en vue de village de Pégairolles de l’Escalette d’où nous sommes partis, oxygénés, revigorés, rassasiés d’air pur et de beauté après notre virée au pays de Dionysos. 

 

Je vous invite à écouter ma dernière chanson

"Amour en Vue, attention danger..."

 

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sur mon blog Canta-la-Vida

(lien dans la barre de titre)

 

Mon ami Gibus vient de publier un nouveau roman

que vous pouvez commander ICI

 

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ALICIA vit dans la grande exploitation agricole dirigée par sa sœur et son époux à Skoura, au sud du Maroc. Son mariage vacille, elle n'est pas très heureuse. Une crise politique entre syndicats et gouvernement rendra la marche de l'exploitation difficile tout comme son travail d'infirmière libérale. Suite à la traversée de moments spécialement pénibles pour sa vie de couple, elle envisage son retour en France. Sa sœur Azziza décide de modifier le fonctionnement de l'exploitation dont la charge est trop lourde pour une jeune femme.

 

Et si vous êtes intéressés par les plantes alpines et l'herboristerie je vous invite à découvrir le blog de sa petite fille Carla accompagnatrice de montagne en cliquant

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TEXTE & PHOTOS ULYSSE

 

 

 

 



05/10/2024
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